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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/260

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pensée de ceux qui sont là-dessus d’accord avec vous. Dites-lui que ces poudres et que ces peintures gâtent le teint naturel, afin de la guérir de cette passion par l’amour même qu’elle a pour sa personne.
Ne lui parlez point encore de l’enfer ni du ciel, car ce serait un langage qu’elle n’entendrait pas. Dites-lui que vous prenez plus de plaisir à voir son visage tel que Dieu l’a fait, et qu’il n’y a point d’homme sage qui ne condamne et même qui ne trouve laides celles qui se déguisent ainsi le visage par des poudres et par des couleurs empruntées, pour forcer en quelque sorte la nature, et pour se donner ce qu’elles n’ont pas. Servez-vous de ces raisons communes et sensibles pour la guérir de cette maladie. Et après que vous lui aurez adouci l’esprit, et que vous la verrez plus susceptible des raisons spirituelles, vous pourrez aussi lui parler du péril où elle s’expose de se perdre pour jamais. Ne vous lassez point de lui redire ces choses. Si vous ne gagnez rien la première, la seconde ou la troisième fois, ne perdez pas courage. Continuez à lui faire les mêmes représentations sans aigreur, sans chaleur et sans aversion, mais avec amour et avec douceur, tantôt en lui parlant obligeamment, tantôt en lui témoignant quelque froideur, pourvu que ce soit pour revenir bientôt aux caresses et aux moyens agréables. Ne voyez-vous pas combien les peintres effacent de fois ce qu’ils ont fait, combien ils rappliquent de fois leurs couleurs pour former un beau visage ? Ne leur cédez pas en ce point. S’ils prennent tant de peine pour représenter une figure morte sur du bois ou sur de la toile, que ne devez-vous point faire pour retracer dans une âme l’image de Dieu ? Lorsqu’elle aura acquis cette beauté intérieure et spirituelle, vous ne la verrez plus farder et déshonorer son visage ; elle ne rougira plus ses lèvres ; elle n’ensanglantera plus sa bouche, comme un ours qui revient du carnage ; elle ne noircira plus ses sourcils, et elle ne blanchira plus ses joues, se souvenant « de ces sépulcres blanchis » dont il est parlé dans l’Évangile. Car tous ces fards qui ne sont que du plâtre et de la poudre, nous représentent fort bien tout ce que nous ne voyons qu’avec horreur au fond des tombeaux.
6. Mais je ne sais comment je me suis laissé emporter insensiblement, et je m’aperçois que tout en vous portant à être doux, je ne le suis pas moi-même, et que je vous parle de la modération avec chaleur. Je reviens donc à ce que je vous disais, savoir, qu’on doit supporter d’abord les femmes dans leurs défauts pour les gagner peu à peu, et pour les faire entrer dans la disposition que l’on désire. Ne voyez-vous pas tous les jours avec quelle douceur les mères traitent leurs enfants lorsqu’elles les veulent sevrer ? Ces enfants crient et pleurent sans cesse. Cependant elles font tout et elles souffrent tout pour gagner cette seule chose, qu’ils ne retournent plus à la mamelle. Imitez la douceur de cette conduite. Souffrez tout d’une femme, pourvu que vous obteniez d’elle qu’elle ne se serve plus de fard. Quand vous l’aurez gagnée sur ce point, vous passerez à un autre. Vous commencerez à lui parler doucement contre ces parures d’or qu’elle porte. En formant ainsi peu à peu votre femme dans la vertu, vous deviendrez devant Dieu un excellent peintre, un serviteur fidèle, et comme un jardinier habile qui a soin du champ qui lui a été confié.
Représentez-lui ces femmes illustres de l’Ancien Testament, Sara, Rébecca et les autres dont les unes, selon l’Écriture, ont été très belles, et les autres ne l’étaient pas, mais qui ont toutes été également sages. Quoique Lia, l’une des femmes du patriarche. ne fût pas fort belle ni fort aimée de son mari, elle n’eut jamais recours au fard, ni à de semblables artifices, et sans jamais emprunter ces couleurs étrangères, elle voulut demeurer telle qu’elle était, sans altérer en rien l’ouvrage de Dieu et de la nature. Et cependant elle avait été élevée parmi des infidèles et des idolâtres. Mais vous qui avez été nourrie dans la foi et la connaissance du vrai Dieu, vous qui avez Jésus-Christ pour chef, oserez-vous bien chercher une beauté artificielle dans ces déguisements que le diable a inventés ? Ne vous souvenez-vous plus de cette eau divine du baptême, qui a lavé et consacré votre tête et votre visage ; de cette chair du Sauveur qui a tant de fois sanctifié vos lèvres, et de ce sang adorable qui a rougi votre langue ? Si vous n’aviez point oublié toutes ces grâces, il vous serait impossible de devenir ainsi idolâtre de votre visage, et toutes ces peintures de blanc et de rouge vous seraient insupportables. Considérez que Jésus-Christ est votre époux, que c’est pour lui que vous devez vous parer, et vous fuirez avec horreur ces embellissement