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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/276

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Mais qui n’admirera en ce point la conduite du Sauveur ? Il dépouille ses disciples de tout, et en même temps il leur donne tout, leur permettant d’entrer et de demeurer dans la maison de ceux qu’ils auraient instruits. Ainsi par ce seul précepte du Fils de Dieu, les apôtres se trouvaient délivrés de tous les embarras de la terre, et ils faisaient voir clairement à ceux qui les recevaient, que ce n’était que pour leur salut qu’ils les venaient visiter, puisqu’ils ne portaient point d’argent avec eux, et qu’ils ne voulaient rien d’eux que le nécessaire, et qu’ils n’entraient pas indifféremment chez toutes sortes de personnes, mais avec réserve et avec choix. Jésus-Christ ne voulait pas que ses disciples se signalassent seulement par les miracles. Il leur commandait de se rendre encore plus illustres par leurs vertus que par ces prodiges. Car il n’y a point de caractère et de marque plus propre d’une vertu vraiment chrétienne que d’aimer à n’avoir rien de superflu, et de se passer de tout ce qui n’est pas absolument nécessaire. Les faux apôtres même savaient et pratiquaient cette vérité, et saint Paul, en faisant voir son désintéressement, disait d’eux : « Afin qu’en cela même dont ils « se glorifient tant, ils soient trouvés semblables à nous. » (1Cor. 2,12) Que si ceux même qui vont dans des pays étrangers et chez des inconnus, n’en doivent rien rechercher que la nourriture de chaque jour, combien sont plus obligés à cela ceux qui demeurent toujours chez eux ?
6. Écoutons ceci, mes frères ; mais écoutons-le pour le pratiquer. Jésus-Christ n’a pas dit ces paroles seulement pour ses apôtres. Il les a dites pour tous ceux qui voudraient se sanctifier dans la suite de tous les siècles. Rendons-nous donc dignes nous autres de recevoir chez nous de si divins hôtes, puisque c’est par la disposition intérieure de ceux qui les reçoivent, que cette paix ou descend sur eux, ou se retire d’eux. Elle ne dépend pas seulement de la vertu des prédicateurs qui la donnent, mais encore de la sainteté des disciples qui la reçoivent. Que personne ne regarde comme une perte légère la privation de cette paix. Le Prophète l’avait prédite autrefois en disant : « Que les pieds de ceux qui annoncent la paix sont beaux ! » (Nahum, 1,15) Et pour en marquer davantage l’excellence, il ajoute : « de « ceux qui annoncent les biens. » Jésus-Christ montre assez quelle elle est, lorsqu’il dit : « Je vous laisse la paix : je vous donne ma paix » (Jn. 14,13)
Il faut, mes frères, faire toutes choses pour jouir d’une paix si précieuse, et dans vos maisons, et dans nos églises. Car celui qui préside ici et qui tient la première place dans l’église, donne comme vous savez la paix à tout le peuple ; et cette paix est la figure de celle que Jésus-Christ a donnée à ses apôtres. C’est pourquoi il faut la recevoir de tout son cœur avant que de se présenter à la sainte table. Si c’est un si grand mal de ne point participer à cette table, quel mal serait-ce de chasser et d’outrager celui même qui la bénit ? C’est pour vous que le prêtre se tient assis dans l’église, et que le diacre est debout avec beaucoup de peine quelle excuse donc vous restera-t-il de ne pas recevoir le ministre de Dieu, au moins en écoutant sa parole ?
Cette église est la maison commune de tous. Vous y entrez les premiers, et nous y venons ensuite, et nous pratiquons en y entrant, ce que Jésus-Christ ordonne ici à ses apôtres. Nous vous y bénissons tous en général, et nous vous y donnons d’abord cette paix que Jésus-Christ commande à ses disciples de donner lorsqu’ils entrent dans une maison. Que personne donc ne soit lâche et paresseux, que personne ne s’abandonne à l’égarement de ses pensées, lorsque les ministres de Dieu entrent et parlent dans ce lieu saint, Car cette négligence sera terriblement punie. Pour moi j’aimerais cent fois mieux être maltraité de vous, lorsque je vais vous voir dans vos maisons, que de n’être pas écouté ici lorsque je vous parle de la part de Dieu. Ce dernier mépris est d’autant plus grand, que cette maison est sans comparaison plus sainte et plus excellente que les vôtres.
Car c’est ici, mes frères, que sont renfermées nos plus précieuses richesses ; c’est ici qu’est l’objet de toutes nos espérances. Qu’y a-t-il ici qui ne soit grand et terrible ? Notre table est plus sainte et plus délicieuse que les vôtres. Notre huile est plus précieuse ; et tout le monde sait combien de personnes recevant avec foi cette divine onction dans leurs maladies, se sont trouvées guéries de leurs maux. Cette armoire où l’on garde l’Eucharistie est aussi bien plus estimable que ne sont les vôtres. Car elle ne renferme pas de riches habits, mais elle contient la miséricorde même, quoiqu’il y ait peu de personnes ici qui en jouissent