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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/314

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dit lui-même de Jésus-Christ : « Il est plus fort que moi », ce n’est point en se comparant à Jésus-Christ qu’il parle de la sorte. Que saint Paul parlant de Moïse dise que Jésus-Christ « mérite plus de gloire que lui (Héb. 3,3), » ce n’est point en faisant aucune comparaison entre eux deux. Et lorsque Jésus-Christ dit de lui-même : « Celui qui est ici est plus grand que Salomon (Mt. 12,42) », il ne se compare nullement avec ce roi.
Que si nous accordions que ces paroles renferment une comparaison, il faudrait dire que le Fils de Dieu n’en avait usé que pour s’accommoder à la faiblesse de ce peuple, parce que les Juifs avaient conçu une estime extraordinaire de saint Jean qui s’était encore beaucoup augmentée depuis sa prison, parce qu’ils voyaient que la générosité avec laquelle il avait repris le roi lui avait fait perdre sa liberté. Et ainsi c’était relever Jésus-Christ à leur égard que de l’égaler à saint Jean. Nous voyons que l’Écriture se sert de cette même conduite, et qu’elle compare des choses qui n’ont aucune proportion entre elles pour condescendre à la faiblesse des hommes, et pour les tirer de leurs erreurs, comme lorsqu’elle dit : « Entre tous les dieux il n’en est point qui vous ressemble, Seigneur. Il n’y a point de Dieu qui soit semblable à notre Dieu. » (Ps. 85,7)
Quelques-uns disent que ces paroles de Jésus-Christ en parlant de Jean : « Celui qui est le plus petit dans le royaume de Dieu, est plus grand que lui (Ex. 8,8) », se doivent entendre des apôtres ; d’autres les appliquent aux anges : mais cette explication ne peut subsister. Lorsqu’on s’écarte une fois du point de la vérité, on tombe aisément dans beaucoup d’erreurs. Car quelle liaison auront ces paroles avec celles qui les précèdent, si on les entend des apôtres ou des anges ? D’ailleurs s’il voulait parler de ses apôtres, pourquoi ne les aurait-il pas nommés ? Que s’il ne se nomme pas lui-même, bien que ce soit de lui-même qu’il parle, cela s’explique, parce que le peuple était prévenu contre lui, et parce qu’il ne voulait pas parler à son avantage, ce que nous voyons qu’il a toujours évité avec grand soin. Qu’est-ce à dire dans le royaume des cieux ? c’est-à-dire, dans les choses spirituelles, et qui regardent le ciel. Mais Jésus-Christ fait voir encore qu’il ne fait point comparaison de lui avec saint Jean lorsqu’il dit : « Qu’entre tous ceux qui sont nés des femmes, il ne s’est point élevé de plus grand prophète que Jean-Baptiste. » Car s’il est né d’une femme, il n’en est pas né comme saint Jean. Il n’était pas un simple homme, il n’était pas né comme les hommes naissent d’ordinaire, mais d’une manière tout extraordinaire et tout ineffable.
3. « Et depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu’à présent le royaume des cieux se prend « par violence, et ce sont les violents qui l’emportent (12). » Quel rapport y a-t-il de ces dernières paroles avec celles qui les précèdent ? Il y en a un grand et profond. Jésus-Christ porte ici ce peuple à croire en lui, et il confirme ce qu’il avait dit auparavant de saint Jean. Car si toutes choses ont été accomplies jusqu’à saint Jean c’est donc moi, dit-il, qui devais venir selon ce qui avait été prédit. « Car jusqu’à Jean tous les prophètes aussi bien que la loi ont prophétisé et annoncé des choses futures (13). » Les prophètes n’auraient donc point cessé si je n’étais venu au monde. N’attendez donc plus personne, et n’en cherchez plus d’autre que moi. Il est clair que c’est moi qui devais venir, puisque tous les prophètes ont cessé dès que je suis venu, et que tous les jours le monde se hâte de croire en moi. La foi que l’on a en moi est déjà si claire et si connue, que plusieurs la prennent et la ravissent comme par violence. Qui sont, dites-vous, ces personnes qui l’ont prise par violence ? tous ceux qui se sont approchés de Jésus-Christ avec ardeur. Il ajoute ensuite une autre marque, lorsqu’il dit : « Si vous voulez le recevoir, c’est lui-même qui est cet Élie qui doit venir (14). » Il est dit dans l’Écriture : « Je vous enverrai Élie pour réunir les cœurs des pères avec leurs enfants. » (Mal. 4,5) « C’est là », dit-il, « cet Élie si vous voulez le recevoir. Car j’enverrai mon ange devant votre face. » (Id. 3) Il dit fort bien : « si vous le voulez recevoir », pour montrer qu’il ne contraint et ne violente personne. Et il parlait de la sorte afin qu’on l’écoutât favorablement, et qu’on reconnût qu’en effet Élie était Jean et que Jean était Élie. Ils ont eu tous deux le même ministère, et l’un et l’autre ont été véritablement précurseurs. C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas généralement : C’est là Élie, mais : « Si vous le voulez recevoir, c’est Élie », c’est-à-dire, si vous voulez comprendre ce que je dis, et