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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/320

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ce lieu ? Il est donc clair que c’est vous-mêmes qui corrompez les mœurs des hommes, en les attirant à ces divertissements si dangereux.
Irons-nous donc, direz-vous, détruire tout l’amphithéâtre ? Plût à Dieu qu’il fût déjà détruit ! quoiqu’à notre égard, il le soit il y a longtemps. Néanmoins, je ne vous le commande pas : conservez l’amphithéâtre, mais bannissez-en tous les spectacles et les comédies, et ce vous sera une plus grande gloire que si vous l’aviez détruit.
Imitez au moins les barbares qui se passent bien de tous ces jeux. Quelle excuse nous restera-t-il, si étant chrétiens, c’est-à-dire citoyens des cieux et associés aux anges et aux chérubins, nous ne sommes pas néanmoins si réglés en ce point que le sont les païens et les infidèles ?
Que si vous avez tant de passion pour vous divertir, il y a bien d’autres divertissements moins dangereux et plus agréables que ceux-là. Si vous voulez vous relâcher l’esprit, allez dans un jardin, promenez-vous sur le bord d’une rivière ou d’un étang. Allez dans un lieu dont la vue soit belle, écoutez le chant des oiseaux ; ou pour vous divertir plus saintement, allez visiter les tombeaux des martyrs. Tous ces plaisirs sont innocents, vous y trouverez la santé du corps et le bien de l’âme ; et ils n’ont rien de ces divertissements criminels, où l’on ne trouve qu’une joie fausse et un prompt repentir.
Mais de plus vous avez votre femme, vous avez vos enfants. Qu’y a-t-il de comparable à la satisfaction que vous trouvez en eux ? Vous avez votre famille ; vous avez vos amis ce sont là les honnêtes divertissements que vous pouvez prendre, et qui soient également utiles et modestes. Car en vérité qu’y a-t-il de plus agréable que les enfants ? qu’y a-t-il de plus doux qu’une femme chaste à un mari chaste ?
Les barbares ont dit autrefois une parole digne des plus sages d’entre les philosophes. Car entendant parler de ces folies du théâtre et de ces honteux divertissements qu’on y va chercher : « Il semble », dirent-ils, « que les Romains n’aient ni femmes ni enfants, et qu’ainsi ils aient été contraints de s’aller divertir hors de chez eux ; » ils voulaient dire par là qu’il n’y à point de plaisir plus doux à un homme sage et réglé, que celui qu’il reçoit de sa femme et de ses enfants.
Mais si je vous montre, me direz-vous, des personnes à qui ces jeux et ces comédies n’ont fait aucun mal ? N’est-ce point un assez grand mal que d’employer si-inutilement un si long temps, et d’être aux autres un sujet de scandale ? Quand vous ne seriez point blessé de ces représentations infâmes, n’est-ce rien que d’y avoir attiré les autres par votre exemple ? Comment donc Êtes-vous innocent, puisque vous êtes coupable du crime des autres ? Tous les désordres que causent parmi le peuple ces hommes corrompus, et ces femmes prostituées ; et toute cette troupe diabolique qui monte sur le théâtre, tous ces désordres, dis-je, retombent sur vous. Car s’il n’y avait point de spectateurs, il n’y aurait point de spectacles ni de comédies ; et ainsi tant ceux qui les représentent que ceux qui les voient, s’exposent au feu éternel, C’est pourquoi, quand même vous seriez assez chaste pour n’être point blessé par la contagion de ces lieux, ce que je crois impossible, vous ne laisserez pas d’être sévèrement puni de Dieu, comme coupable de la perte de ceux qui vont voir ces folies, et de ceux qui les représentent sur le théâtre. Que s’il est vrai que vous soyez tellement pur, que ces assemblées dangereuses ne vous nuisent point, vous le seriez encore bien davantage, si vous aviez soin de lés éviter.
Quittons donc ces vaines excuses, et ne cherchons point des prétextes si déplorables. Le meilleur moyen de nous justifier est de fuir cette fournaise de Babylone, de nous éloigner des attraits de l’Égyptienne, et s’il est nécessaire, de quitter plutôt notre manteau, comme Joseph, pour nous sauver des mains de cette prostituée. C’est ainsi que nous jouirons dans l’esprit, d’une joie céleste et ineffable, qui ne sera point troublée par les remords de notre conscience ; et qu’ayant mené ici-bas une vie chaste, nous serons couronnés dans le ciel, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire maintenant et toujours et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.