Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la sorte pour relever le courage de ses disciples, en leur représentant que tout pécheurs et grossiers qu’ils sont, ils ne laissent pas d’avoir reçu des lumières et des connaissances que les sages et les prudents avaient laissé perdre. Jésus-Christ marque donc par ce mot de « sage » non ceux qui le sont véritablement, mais ceux qui le croient être, parce qu’ils ont cette sagesse que le monde estime. Aussi il ne dit pas : « Et vous les avez révélées » aux fous et aux insensés, mais « aux petits », c’est-à-dire à ceux qui sont simples et sans déguisement. Ce qui fait voir que si ces faux sages n’ont pas reçu cette grâce, ç’a été par une grande justice de Dieu.
Il nous avertit aussi par ces paroles de fuir la vaine gloire, et de rechercher avec ardeur la simplicité et l’humilité. C’est ce que saint Paul marque clairement et avec force, lorsqu’il dit : « Que nul ne se trompe soi-même : Si quelqu’un d’entre vous pense être sage selon le monde, qu’il devienne fou à l’égard du monde pour devenir vraiment sage. » (1Cor. 3,17). C’est dans cette sainte folie que paraît la grâce de Dieu.
Mais pourquoi Jésus-Christ rend-il grâces de cette conduite à son Père, puisqu’il en est lui-même l’auteur ? Comme il prie ailleurs son Père pour nous, il lui rend à cette occasion ces actions de grâces pour nous, et dans lés deux cas il montre l’excès de l’amour qu’il nous porte. Il fait voir encore par ces paroles que ces sages superbes sont rejetés de son Père comme de lui. Il pratique ici par avance ce qu’il a commandé à ses apôtres, lorsqu’il leur a dit : « Ne donnez point les choses saintes aux chiens. » (Mt. 7,6)
Il montre encore par là, et que lui et que son Père nous préviennent de leur bonne volonté, le Fils en se réjouissant et en rendant grâces des faveurs que nous recevons, et le Père en nous faisant voir qu’il les a faites de son mouvement propre, et sans y être excité par aucune prière. « Oui », dit-il, « mon Père, parce qu’il vous a plu ainsi. » Saint Paul nous apprend pourquoi il a plu à Dieu de cacher ses mystères à ces faux sages : « Parce que cherchant », dit-il, « à établir leur propre justice, ils n’ont pas été assujettis à la justice de Dieu. » (Rom. 1,3)
Dans quels sentiments croyez-vous qu’étaient alors les apôtres d’avoir des connaissances que les sages du monde n’avaient pas, de les avoir en demeurant toujours petits, et de les avoir par la révélation de Dieu même ? Saint Luc marque que Jésus-Christ vit alors ses soixante-douze disciples revenir à lui, et lui dire « que les démons leur étaient assujettis », et qu’il commença à se réjouir en esprit, et à dire ces paroles précédentes, qui leur inspiraient tout ensemble, et du zèle pour Dieu, et un humble sentiment d’eux-mêmes.
2. Cet empire qu’ils exerçaient sur les démons élevait naturellement les cœurs des disciples. Jésus-Christ les rabaisse par ces paroles, en leur montrant que les 1umières qu’ils avaient ne venaient que de la pure volonté de Dieu, et non point de leur mérite ; comme s’il leur disait : Les scribes et les pharisiens qui ont été sages et prudents en eux-mêmes sont tombés par leur orgueil. Si donc Dieu leur a caché ces mystères à cause de leur présomption, vous, mes apôtres, appréhendez un traitement semblable, et demeurez toujours petits, puisque c’est cette simplicité et cette humilité d’enfants qui vous a fait mériter ces secrets du ciel, comme il n’y a que l’orgueil qui en ait privé ces sages. Lorsque Jésus-Christ dit à son Père : « Vous leur avez caché ces choses », il ne marque pas qu’il soit le seul auteur de cette punition, sans qu’ils y aient contribué de leur part. Mais comme lorsque saint Paul, en disant que Dieu « a livré et abandonné les sages du monde à l’égarement d’un esprit dépravé et corrompu (Rom. 1,28) », n’entend pas que ce soit Dieu qui, de lui-même, les ait jetés dans ces ténèbres, mais qu’ils s’y sont précipités par leur faute ; il faut entendre de même ce que Jésus-Christ dit en ce lieu : « Vous avez caché ces choses aux sages, et les avez révélées aux petits. »
Mais Jésus-Christ voulant empêcher qu’on ne crût par ces paroles « Je vous rends gloire, mon Père, de ce que vous avez révélé ces choses aux petits », qu’il n’eût pas lui-même la puissance de faire ces révélations, il ajoute : « Mon Père m’a mis toutes choses entre les mains (27). » Il semble dire à ses disciples qui se réjouissaient de ce que les dé-mous leur étaient assujettis Pourquoi admirez-vous tant que les démons vous obéissent ? Tout est à moi : « Mon père m’a mis toutes choses entre les mains. » Quand vous entendez ces paroles : « Mon Père m’a mis toutes choses entre les mains », n’ayez point de pensées basses et terrestres. Car, de peur que