Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/369

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

grâce. Je ne vous demande point que vous me délivriez des fers et de la prison, mais seulement que vous m’y veniez visiter ; cela me suffit pour me consoler. Je vous ai ressuscité de la mort horrible où vous étiez ; je ne vous demande point cela, venez seulement me voir quand je suis malade.
Lors donc que les biens qu’on nous a faits sont si grands et que ceux qu’on exige de nous, sont si petits et que nous négligeons néanmoins de les faire, quels supplices ne devons-nous point attendre ? N’est-ce pas avec sujet qu’on nous condamne à ces flammes éternelles, qui ont été préparées pour le diable et pour ses anges, puisque nous sommes plus insensibles que les pierres ? Car quelle insensibilité qu’après avoir reçu tant de choses, et que devant en recevoir de si grandes, nous soyons encore les esclaves d’un or que nous allons bientôt quitter malgré que nous en ayons ? Tant de personnes ont donné leur propre vie et ont répandu leur sang, et vous ne voulez pas même donner quelques superfluités pour gagner le ciel, et pour mériter ces immortelles couronnes ? Quelle excuse alléguerez-vous, quel pardon espérerez-vous, vous qui êtes si prompt à vider vos greniers pour semer vos terres, si joyeux d’épuiser vos coffres, pour donner tout votre argent à usure ; niais qui êtes si avare et si cruel lorsqu’il s’agit de nourrir votre propre maître dans la personne des pauvres.
Pensons donc à ceci, mes frères ; pensons à ce que nous avons reçu, à ce que nous devons recevoir, et à ce que Dieu nous demandera ; et ne tenons plus nos cœurs attachés au monde. Devenons enfin tendres et compatissants à la misère des pauvres, et n’attirons pas sur nous par notre dureté, la rigueur de cet effroyable jugement. Car ne suffirait-il pas pour nous condamner que nous ayons joui de tant de biens pendant cette vie, que Dieu en exige si peu de nous pour en soulager les pauvres, qu’il ne nous demande même que ce que nous serons obligés de quitter bien malgré nous, et qu’ayant si peu d’affection pour ce qu’il nous commande, nous en ayons tant pour tous les biens de la vie ? Une seule de ces choses serait capable de nous perdre : que sera-ce donc lorsqu’elles seront toutes jointes ensemble ? quelle espérance nous restera-t-il de nous sauver ?
Pour éviter donc une condamnation si épouvantable, témoignons à l’avenir plus de tendresse envers les pauvres, pour jouir ainsi des biens d’ici-bas et de ceux de l’autre vie, que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.