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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/371

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évité tous les malheurs qui sont marqués dans la première parabole, vous ne seriez pas encore en sûreté. Comme vous y voyez la semence se perdre, ou par « le chemin », ou par « les pierres », ou par les « épines ; elle se perd ici « par le sommeil. » C’est ce qui nous oblige à vivre dans une vigilance continuelle. C’est pourquoi Jésus-Christ dit ailleurs : « Celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu’à la fin. » (Mt. 10,22)
Ce malheur que Jésus-Christ prédit ici est arrivé dès le commencement de l’Église. Plusieurs de ceux qui étaient alors dans les charges ecclésiastiques introduisaient dans l’Église des hommes corrompus, et des hérésiarques cachés, et donnaient par là une grande facilité au démon pour surprendre les fidèles. Car une fois qu’il a semé ce mauvais grain dans le champ de l’Église, le démon a beau jeu pour tout perdre.
Mais vous me direz : Comment peut-on s’empêcher de dormir ? On ne le peut pas s’il s’agit du sommeil du corps ; mais on peut s’empêcher de tomber dans celui de l’âme. C’est pourquoi saint Paul disait : « Veillez, demeurez fermes dans la foi. » (1Cor. 16,13)
Jésus-Christ nous représente ce travail du démon non seulement comme une œuvre de malice, mais encore comme une superfétation. Car après que le champ a été bien cultivé, et qu’on y a mis de bonne semence, lorsqu’il n’y manque plus rien, c’est alors qu’il y vient sursemer l’ivraie. C’est proprement ce pie font les hérétiques, qui en répandant leur poison n’ont point d’autre but que la vaine gloire. Jésus-Christ marque encore mieux par ce qui suit, toutes les intrigues et tous les artifices de ces hommes dangereux. « L’herbe donc ayant poussé et étant montée si en épi, l’ivraie commença aussi à paraître (26). » C’est la conduite que gardent les hérétiques. Ils se cachent avec soin au commencement ; mais après qu’ils sont devenus plus hardis, et que quelqu’un les appuie et leur donne du crédit, ils publient alors leurs dogmes impies. « Alors les serviteurs du père de famille lui vinrent dire : Seigneur n’avez-vous pas semé si de bon grain dans votre champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie (27) ? Il leur répondit : c’est mon ennemi qui a fait cela. Ses serviteurs lui dirent : voulez-vous que nous allions l’arracher (28) ? Non, leur répondit-il, de peur qu’en cueillant l’ivraie vous ne « déraciniez aussi tout ensemble le bon grain (29). » Pourquoi Jésus-Christ nous marque-t-il que ces serviteurs font ce rapport à leur maître, sinon pour nous apprendre par la réponse de ce père de famille qu’il ne faut point tuer les hérétiques ? Il appelle le démon « un homme ennemi », à cause du mal qu’il fait aux hommes. C’est nous qu’il attaque par tous ses efforts, et néanmoins l’origine de cette guerre irréconciliable qu’il nous fait, n’est pas tant l’aversion qu’il a pour nous, que la haine qu’il a conçue contre Dieu. Et nous voyons, mes frères, par le soin que Dieu prend de nous défendre d’un tel ennemi, que Dieu nous aime plus que nous ne nous aimons nous-mêmes. Mais considérez encore la malice du démon. Il ne sème point cette semence de mort avant la semence de la vie, parce qu’il n’aurait rien eu à perdre. Mais aussitôt que le champ a été semé, il s’efforce de ruiner en un moment tous les travaux du divin laboureur, tant il se déclare en toutes choses l’ennemi de Dieu ! Considérez aussi l’affection de ces serviteurs envers leur maître. Aussitôt qu’ils aperçoivent cette ivraie, ils pensent à l’arracher. Leur zèle, quoiqu’un peu trop indiscret, témoigne le grand soin qu’ils avaient de la bonne semence, et montre que leur unique but était non de faire punir l’ennemi, mais de prévenir la perte du bon grain. Ils ne cherchent que les moyens de remédier à un si grand mal.
Ils ne s’appuient pas même sur leur propre sentiment. Ils consultent la sagesse de leur maître : « Voulez-vous ? » lui disent-ils ; mais il le leur défend et leur dit : « Non, de peur qu’en cueillant l’ivraie, vous ne déraciniez « aussi tout ensemble le bon grain. » Il leur parle de la sorte pour empêcher ainsi les guerres, les meurtres et l’effusion de sang. Car il ne faut point tuer les hérétiques, puisque ce serait remplir toute la terre de guerres et de meurtres. Il leur défend ces violences pour deux raisons ; la première, parce qu’en voulant arracher l’ivraie on pourrait aussi nuire au froment ; et l’autre parce que tôt ou tard les hérétiques seront punis, s’ils ne se convertissent de leur erreur. Si vous voulez donc qu’ils soient châtiés sans qu’ils nuisent au bon grain, attendez le temps que Dieu a marqué pour en faire justice.
2. Considérons encore cette parole : « De peur qu’en cueillant l’ivraie, vous ne déraciniez