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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/406

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lui parler des vases d’airain ou d’autres et d’autres observances qui eussent paru par trop ridicules, ils s’attachent à ce qui leur paraissait plus considérable, et tâchent, autant que j’en puis juger, de l’irriter et de le mettre en colère. Ils parlent d’abord de leurs « anciens », afin que si Jésus-Christ les méprisait, il donnât par là prise contre lui.
Mais voyons d’abord pourquoi les disciples mangeaient sans laver leurs mains. Ils n’affectaient point de ne se laver jamais : ils n’en faisaient point une règle ; mais ils commençaient à mépriser tout ce qui était superflu, ils ne s’attachaient plus qu’à ce qui était nécessaire. Ainsi ils ne se faisaient plus une loi ou de se laver, ou de ne pas se laver, mais ils en usaient indifféremment selon les rencontres. Car comment ceux qui négligeaient si fort le soin même de la nourriture, eussent-ils pu en avoir pour ces puérilités ? Comme il arrivait donc souvent que les apôtres, à cause des occurrences qui se présentaient, mangeaient sans laver leurs mains ; comme lorsqu’ils mangèrent dans le désert ou qu’ils rompirent des épis de blé, les pharisiens leur en font ici un crime, parce que leur faux zèle négligeait toujours les choses les plus importantes, et ne s’attachait qu’aux basses et aux superflues.
Que fait Jésus-Christ en cette rencontre ? Il ne répond point à leur question. Il n’entreprend point de justifier ses disciples ; mais c’est par une accusation qu’il répond à leur accusation, il leur reproche leur témérité, et leur apprend qu’il sied mal à celui qui est coupable lui-même des plus grands crimes, de reprendre dans les autres avec chaleur les fautes les plus légères. Lorsque vous méritez qu’on vous reprenne vous-mêmes, leur dit-il, vous osez reprendre les autres !
Mais remarquez, mes frères, lorsque Jésus-Christ veut se dispenser de quelque ordonnance de la loi, quel ordre il garde, et comme il se justifie. Il ne vient pas tout d’un coup au crime de cette transgre6sion dont on l’accuse. Il ne dit point : ce n’est rien : c’est une chose superflue, Cette réponse eût rendu ses adversaires plus insolents, il commence par réprimer leur audace en leur objectant d’autres infractions de la loi en des choses plus importantes, et en leur reprochant d’autres crimes qui les couvraient de confusion.
Il ne dit pas non plus que ses disciples sont irrépréhensibles, en passant par-dessus ces ordonnances, afin de ne donner aux pharisiens aucune prise sur lui il ne dit point encore qu’ils aient fait une faute, parce qu’il ne veut pas autoriser les traditions judaïques. Il évite de même d’attaquer les anciens. Il ne parle point contre eux, comme contre des prévaricateurs et des méchants, pour empêcher qu’ils n’aient horreur de lui, comme d’un calomniateur, et comme d’un impie. Il rejette tous ces moyens pour s’attacher à celui que l’Évangile marque. Il semble blâmer ceux qui lui parlent, mais il attaque en effet ceux qui avaient osé établir ces lois. Ainsi sans dire un mot des anciens, il les comprend dans le reproche qu’il fait à ceux qui lui parlent, et fait voir qu’ils sont tombés dans deux grandes fautes. La première, parce qu’ils n’ont pas obéi aux véritables lois de Dieu ; et la seconde, parce qu’ils leur en ont substitué d’autres par complaisance pour les hommes. Il semble qu’il leur dise : C’est cela même qui vous perd, que vous soyez si soumis en tout à vos anciens. Il ne le dit pas néanmoins en termes formels, mais il le marque tacitement par ces paroles : « Pourquoi vous-mêmes violez-vous le commandement de Dieu pour suivre votre tradition (3) ? Car Dieu a fait ce commandement : « Honorez votre père et votre mère ; et cet autre : Que celui qui outragera de paroles son père ou sa mère, soit puni de mort (4). Et cependant vous dites : Quiconque dira à son père ou à sa mère : Tout ce dont j’aurais pu vous assister, est déjà consacré à Dieu, satisfait à la loi (5), quoiqu’après cela il n’honore et n’assiste point son père ou sa mère ; et ainsi vous avez rendu inutile le commandement de Dieu par votre tradition (6). »
2. Il ne dit pas par la tradition de vos anciens ; mais « par votre tradition » : comme il n’a pas dit : Vos anciens ont dit, mais « vous dites » ; afin que ce terme les offensât moins. Comme les pharisiens voulaient montrer que les apôtres violaient la loi, Jésus-Christ leur montre au contraire qu’ils tombaient eux-mêmes dans ce crime, et que ses disciples étaient innocents. Car on ne peut donner pour loi ce qui n’est ordonné que par les hommes (c’est pourquoi Jésus-Christ dit ici tradition et non pas loi) et surtout par des hommes qui ont été les plus grands violateurs de la loi. Et comme cette tradition qui commandait de laver ses mains avant que de se mettre à table n’était point formellement contraire à la loi de