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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/448

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compris. Mais je ne puis m’empêcher, mes frères, d’admirer la vertu de notre Évangéliste, qui n’affecte point de cacher le nom des apôtres que Jésus-Christ honorait davantage de ses faveurs, et qu’il préférait aux autres. C’est ce que fait aussi saint Jean en plusieurs endroits de son évangile, où il se complaît à rapporter assez au long les louanges de saint Pierre, et la prééminence qu’il avait sur tous les autres ; c’est que cette sainte compagnie était entièrement exempte d’envie et de vaine gloire. Jésus-Christ donc prenant avec lui les principaux d’entre ses apôtres, « les mène en particulier sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux et sort visage devint resplendissant comme le soleil, et ses vêtements blancs et éclatants comme la lumière (2). Et en même temps ils virent paraître Moïse et Élie qui s’entretenaient avec lui (3) ». Pourquoi ne prend-il que ces trois apôtres, sinon parce qu’ils étalent plus parfaits que les autres ? saint Pierre, parce qu’il aimait plus Jésus-Christ ; saint Jean parce qu’il en était plus aimé, et saint Jacques à cause de cette réponse qu’il fit avec son frère : « Nous pouvons boire votre calice », et il ne s’en tint pas aux paroles, mais il alla jusqu’aux effets, puisque sa grande vertu le rendit si insupportable aux Juifs, qu’Hérode crut leur faire un plaisir insigne, en lui faisant couper la tête.
Mais d’où vient que Jésus-Christ attend « six « jours » pour se transfigurer devant ces trois disciples ? Que ne le fait-il aussitôt qu’il l’a promis ? C’était pour épargner la faiblesse des autres apôtres, et c’est cette même raison qui l’avait empêché de leur dire quels seraient les trois qu’il devait choisir d’entre eux. On ne doit point douter qu’ils n’eussent eu un désir ardent de le suivre, et qu’ils n’eussent été percés jusqu’au cœur, se croyant méprisés de leur Maître. Car, bien que le Sauveur ne montrât qu’une image fort imparfaite et toute corporelle de sa gloire, cette vue ne laissait pas néanmoins de leur être extrêmement douce. Mais pourquoi, me direz-vous, prédit-il que cela arriverait ? C’était afin que ceux qui en seraient témoins, fussent plus disposés à le croire, quand ils le verraient ; et il voulait que ce retard de quelques jours, pendant lesquels il différa de leur faire voir cette vision, en augmentât en eux le désir, et les y rendît ensuite plus attentifs. Pourquoi Jésus-Christ fait-il paraître Moïse et Élie ? On pourrait en rapporter plusieurs raisons. Mais la principale c’est que le peuple disait que Jésus-Christ était ou Moïse ou Élie, ou Jérémie, ou quelque autre des prophètes. Jésus mena avec lui les principaux de ses apôtres, afin qu’ils vissent dans cette gloire la différence du maître et des serviteurs, et avec quelle raison il avait loué saint Pierre, lorsque celui-ci avait confessé qu’il était « le Fils de Dieu »
On sait d’ailleurs que les Juifs accusaient sans cesse Jésus-Christ d’être un violateur de la loi, un blasphémateur, lequel s’appropriait une gloire qui, selon eux, ne lui appartenait pas, la gloire de Dieu le Père. Ils disaient souvent : « Cet homme n’est point de Dieu, parce qu’il ne garde pas le sabbat ». (Jn. 9,16). Et ailleurs : « Nous ne vous lapidons pas à cause de vos bonnes œuvres, mais à cause de vos blasphèmes, parce qu’étant homme vous vous faites Dieu ». (Jn. 10,33) Jésus-Christ donc voulant montrer que l’une et l’autre de ces deux accusations ne venaient que de l’envie des Juifs ; qu’il était également exempt de ces deux crimes ; qu’il ne violait point la loi en faisant ce qu’il faisait, et qu’il ne s’attribuait pas une gloire qui ne lui appartenait point en se disant égal à Dieu son Père, Jésus-Christ s’autorise des deux témoins qui étaient les plus irréprochables et les moins suspects en ce point à tous les Juifs. Car puisque Moïse avait donné la loi, les Juifs ne pouvaient pas dire que ce saint prophète eût voulu souffrir un homme qui la violait, et qu’il eût honoré l’ennemi déclaré des ordonnances qu’il avait autrefois publiées de la part de Dieu. Elle aussi, qui avait été brûlé d’un zèle si ardent pour la gloire et le service de Dieu, n’eût eu garde de venir assister Jésus-Christ, et d’obéir à ses ordres s’il l’eût regardé comme un homme opposé à Dieu, qui eût voulu, se rendre égal à lui, et usurper injustement une gloire dont ce saint prophète avait été si jaloux durant sa vie,
2. Jésus-Christ voulait encore apprendre qu’il était le maître de la vie et de la mort, et qu’il dominait dans le ciel et dans les enfers. C’est pourquoi il fait venir ici en sa présence un homme qui était mort et un autre qui ne l’était pas. L’Évangéliste nous découvre encore une cinquième raison. Jésus-Christ voulait faire voir à ses disciples quelle serait la gloire de sa croix. Il voulait consoler saint Pierre, et les autres à qui sa passion faisait peur, et relever ainsi leur courage. Car Moïse et Élie étant avec