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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/450

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combat et leur dessein était proprement de terrasser cet ennemi furieux ; de l’enchaîner, et de lui enlever ses dépouilles. Ce qu’ils firent, non en divisant les eaux de la mer, mais en séparant par la vertu de Jésus-Christ, qui est la verge de Jessé, les abîmes de l’impiété qui s’élevaient de toutes parts avec plus de violence que tous les flots de la mer Rouge.
Représentez-vous ce qui donne d’ordinaire le plus de terreur aux hommes, la mort, la pauvreté, l’infamie et cent autres choses fâcheuses, qui nous font plus de peur que la mer alors n’en faisait aux Juifs. Cependant Jésus-Christ leur persuade de se raidir contre ces maux, et de passer au travers de ces souffrantes, comme à pied sec et dans une pleine paix. Pour les fortifier donc, et pour les exercer dans cette pénible carrière, il fait venir en leur présence ces divins athlètes d’autrefois, qui s’étaient le plus signalés du temps de l’ancienne loi. Mais que dit en cette rencontre saint Pierre que l’on voit partout montrer tant de feu ?
« Seigneur, nous sommes bien ici (4) ». Comme il craignait ce qu’il avait entendu dire, il n’y avait pas longtemps, savoir que Jésus-Christ devait aller à Jérusalem pour y souffrir, et qu’il n’osait plus après cette rude réprimande que le Sauveur lui avait faite, prendre encore la liberté de le détourner de ce dessein, en lui disant : « Seigneur ayez pitié de vous » sa crainte continuant toujours, lui fait donner encore le même conseil à Jésus-Christ, mais par des paroles différentes et plus couvertes. Il se voyait sur le haut d’une montagne et dans une solitude fort écartée. Il crut que ce lieu était sûr et qu’il valait mieux y demeurer que de retourner à Jérusalem. C’est pourquoi il exhorte Jésus-Christ à y demeurer : « Seigneur », dit-il, « nous sommes bien ici », il parle même de faire des tentes, croyant que si Jésus-Christ le lui permettait, il ne penserait plus à retourner dans la ville qui le devait faire mourir.
Il espérait ainsi que s’il pouvait une fois porter son maître à ne plus faire ce voyage, il l’empêcherait de mourir. Car c’était dans Jérusalem que Jésus-Christ disait que les scribes et les pharisiens le prendraient. N’osant donc dire ouvertement tout ce qu’il pensait, et tâchant néanmoins de le persuader au Fils de Dieu, il le dit d’une manière ingénieuse, assez pour se faire entendre et pas assez pour s’attirer une nouvelle réprimande : « Seigneur, nous sommes bien ici », puisque Moïse et Élie s’y trouvent présents. Élie se souviendra qu’il a fait autrefois descendre le feu de la montagne sur ceux qui le voulaient perdre. Moïse pourra aussi nous cacher dans une nuée, comme il le fut autrefois sur la montagne en parlant à Dieu. Et d’ailleurs personne ne saura que nous soyons cachés ici.
3. Admirez, mes frères, l’amour ardent que cet apôtre avait pour son maître. Ne considérez point que son conseil n’était pas sage, mais voyez combien son zèle pour le Sauveur était brûlant. Car ce n’était point pour lui-même que l’apôtre craignait. C’était uniquement pour son maître. Et il n’en faut point d’autre preuve que ce qu’il dit à Jésus un instant avant que celui-ci fût pris et conduit à la mort : « Je donnerai ma vie pour vous, et quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renoncerai jamais » (Mc. 14,31), n’est-ce pas aussi ce qui fit que, le trouvant au milieu d’un si grand danger et environné de tant de soldats, non seulement il ne pensa point à fuir, mais qu’il tira même l’épée, et coupa l’oreille à l’un des serviteurs du grand prêtre ? On ne peut donc raisonnablement croire qu’il craignît pour lui. Jésus-Christ seul était tout le sujet de sa crainte.
Mais comme il avait dit trop en général : « Nous sommes bien ici », il se corrige en ajoutant aussitôt : « Faisons ici, s’il vous plaît, trois tentes : une pour vous, une pour Moïse, et une pour Élie ». Que dites-vous, saint apôtre ? Vous venez de séparer le maître d’avec les serviteurs, et vous les confondez maintenant ensemble. Vous voyez, mes frères, combien les apôtres étaient imparfaits avant la mort du Sauveur. Il est vrai que le Père avait révélé son Fils à saint Pierre, mais saint Pierre n’avait pas cette révélation toujours présente dans l’esprit, et il était encore sujet au trouble, comme on le voit ici dans la surprise de cette vision, et de ce qu’il y entendit. Les autres Évangélistes, pour exprimer ce trouble et nous montrer quelle était la confusion de son esprit, disent « qu’il ne savait ce qu’il disait » (Mc. 9,6), parce qu’il était saisi de crainte. Et saint Luc, après ces paroles : « Faisons ici trois tentes », ajoute aussitôt : « Qu’il ne savait ce qu’il disait » : Et pour marquer davantage leur épouvante, il dit qu’ils étaient appesantis par le sommeil, et qu’en se