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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/463

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même devant ses propres domestiques, par ce vice si infâme, et l’esclave qui y est sujette devient encore plus méprisable devant ses autres compagnes. Elles sont cause par leurs excès que les gens peu sages blasphèment contre Dieu, et qu’ils l’accusent de ses dons.
Car j’ai souvent entendu des gens qui, voyant ces excès de vin, et l’effet funeste qu’ils avaient produit, disaient hautement : Plût à Dieu qu’il n’y eût jamais eu de vin dans le monde. Qui peut souffrir cet aveuglement ? Qui peut ne point condamner cette extravagance ? L’homme pèche, et vous rejetez sa faute sur les dons de Dieu. Est-ce le vin qui a causé ces dérèglements, ou l’intempérance de relui qui en abuse ? Que ne dites-vous plutôt : Plût à Dieu que jamais on n’eût abusé du vin ! Plût à Dieu qu’on ne vît jamais d’intempérants dans le monde ? Si vous continuez de rejeter cette faute sur le vin, et de souhaiter qu’il n’y en ait jamais eu dans le monde, vous pourrez désirer de même qu’il n’y ait jamais eu de fer sur la terre, parce qu’on en abuse pour tuer les hommes. Vous souhaiterez qu’il n’y ait jamais de nuit, afin qu’il n’y ait plus de voleurs ; vous désirerez qu’il n’y ait jamais de jour, afin que les médisants ne puissent rien voir. Et vous pourrez dire comme du vin : Plût à Dieu qu’il n’y eût point de femmes dans le monde ; afin qu’il n’y eût point d’adultère ! N’irait-on pas ainsi jusqu’à détruire toutes les créatures de Dieu, parce qu’on en peut abuser et s’en servir contre le dessein de Dieu qui nous les a données ?
5. Quittez donc ces pensées dont le diable seul est l’auteur. Ne condamnez point le vin, mais l’abus que l’on fait du vin. Quand cette personne qui vous fait horreur sera sortie de son ivresse, représentez-lui avec force l’état infâme d’où elle sort. Dites-lui que le vin nous est donné de Dieu pour renouveler notre vigueur et non pour nous rendre l’opprobre du monde et l’horreur de tous les hommes. Que Dieu nous a fait ce don pour guérir nos maladies, et non pour nous les attirer, pour soutenir la faiblesse de nos corps, et non pour affaiblir nos âmes. Dieu vous a honoré de ce don, pourquoi vous déshonorez-vous par l’abus que vous en faites ?
Ne savez-vous pas que saint Paul dit à Timothée : « Usez d’un peu de vin, à cause de la faiblesse de votre estomac et de vos fréquentes maladies ». (1Tim. 5,23) Si un si saint homme accablé de maladies, et qui passait toute sa vie dans une suite d’infirmités continuelles, n’use point de vin avant que son maître le lui conseille, quelle excuse nous peut-il rester d’en prendre avec tant d’excès lorsque notre santé est excellente ? Saint Paul disait à Timothée : « Usez d’un peu de vin, à cause de la faiblesse de votre estomac et de vos fréquentes maladies », et il dirait à ces personnes intempérantes : Usez de peu de vin à cause de ces crimes honteux où vous tombez, et de ces adultères que produisent vos débauches.
Que si cette considération n’est pas assez puissante tour vous rendre tempérants, devenez sobres au moins par la considération des maux qui naissent de ces excès. Dieu n’a pas donné le vin à l’homme pour l’affliger, et pour lui causer du chagrin par le dérangement de la santé qui suit d’ordinaire les débauches. Il le lui a donné au contraire pour le remplir de joie. « Le vin », dit le Prophète, « réjouit le cœur de l’homme ». (Ps. 103,29) Cependant vous lui ôtez cet effet, et vous lui en donnez un autre tout opposé. Car quelle joie peut avoir celui qui est toujours hors de lui-même, qui ressent mille douleurs, qui vit dans une agitation continuelle, qui est dans un aveuglement profond, et qui sent toujours comme les transports d’une fièvre violente.
Je ne parle pas ici de tous, mais je parle à tous. Je sais que tous ne sont pas sujets aux excès du vin. Dieu nous garde de ce malheur, mais je vois avec douleur que ceux qui sont sobres, n’ont pas assez de soin de corriger les intempérants. C’est pourquoi je m’adresse plutôt à vous qui avez horreur de ces excès, et j’imite les médecins qui ne s’arrêtent point à parler aux malades, et qui prescrivent leurs ordonnances seulement aux personnes qui les environnent. C’est donc à vous autres qui êtes sobres que je parle maintenant. Je vous conjure en premier lieu, de ne vous laisser jamais tomber dans une passion si brutale, et je vous exhorte ensuite à travailler pour en retirer les autres, et pour les empêcher de se réduire dans un état pire que l’état des bêtes. Car les bêtes se contentent de ce qui leur suffit pour vivre ; elles ne désirent rien de plus. Mais les personnes intempérantes sont plus brutales, et passent au-delà des bornes de la nature.
Je rougis de dire que les chiens et que les ânes sont préférables aux personnes dont nous