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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/472

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En aura-t-il les sens plus pénétrants et plus vifs ? Je ne crois pas qu’il y ait personne qui puisse avoir ces pensées.
Venons maintenant à l’âme. Cette déférence des hommes la rend-elle ou plus modeste, ou plus humble, ou plus sage qu’elle n’était ? Ne produit-elle pas au contraire en elle des effets tout opposés ? Car il n’arrive pas ici à l’âme seulement ce qui arrive dans le corps. Le corps n’a point d’autre mal que de ne tirer aucun bien de cette gloire imaginaire ; l’âme au contraire non seulement n’en retire aucun avantage, mais elle en reçoit de grands maux. Elle en devient plus insolente, plus insensée, plus colère et plus esclave des passions.
Vous me répondez qu’on voit toujours ces grands du monde dans la joie et dans les plaisirs. Mais c’est là le comble de leurs maux. C’est ce qui rend, leurs maladies incurables ; puisque lorsqu’ils s’en réjouissent, ils ne cherchent pas à s’en guérir, et que le plaisir qu’ils y trouvent, leur ferme l’accès aux remèdes. Ainsi, ce qui achève leur ruine c’est cette complaisance dont ils se flattent dans leurs maux. La joie n’est pas toujours, bonne et louable, puisque les voleurs se réjouissent tous les jours de leurs larcins ; les adultères de leurs crimes, les meurtriers de leurs violences, et les avares de leurs usures.
Il ne faut pas considérer si celui dont nous parlons se réjouit, mais si le sujet pour lequel il se réjouit est raisonnable, si sa joie n’est pas aussi criminelle que celle des adultères, des homicides et des voleurs. Car je vous prie de me dire pour quel sujet il se réjouit. Est-ce parce qu’il est honoré de tout le monde ? Y a-t-il rien de plus puéril que cette joie ? Si cette passion n’est pas un mal, pourquoi tous les jours blâmons-nous ceux qui en sont frappés, pourquoi les couvrons-nous de confusion et d’infamie ? Cessons donc à l’avenir de détester les orgueilleux, et d’avoir en horreur ceux qui n’ont que du mépris pour les autres hommes. Que si vous ne pouvez résister à une loi que la nature même a gravée en vous, n’avouerez-vous pas que ces hommes que vous estimez sont dignes de l’aversion commune de tout le monde, de quelque grand nombre de gardes qu’ils se fassent environner ? Je ne parle ici que de ceux qui usent avec modération de leur dignité et de leur puissance : car je sais que ceux qui en abusent, commettent souvent plus d’excès que les plus détestables voleurs, que les adultères les plus infâmes, et que les plus grands meurtriers. Ils volent le bien d’autrui plus effrontément. Ils tuent les hommes avec plus de cruauté lis tombent dans des impuretés plus sales. Ils ne volent pas une maison, mais plusieurs. Ils font servir leur puissance à leur malice, et changent leur autorité en tyrannie. Jamais ils ne sont plus esclaves que lorsqu’étant asservis à leurs passions, ils ne respectent et ne craignent plus personne.
Reconnaissons donc que les personnes véritablement nobles et libres, et qui méritent plus légitimement le titre de rois ; sont celles qui sont libres de leurs passions. C’est cette liberté, mes frères, que je vous recommande d’acquérir, et c’est cette servitude que je vous exhorte à fuir. N’estimons point les grandeurs ni la puissance. Fuyons les richesses comme un fardeau insupportable. Ne croyons point qu’il y ait d’autre bonheur que celui qui se trouve dans la vertu, afin que nous puissions passer paisiblement notre vie dans ce monde, et jouir ensuite dans l’autre d’une plus heureuse paix, que je vous souhaite par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.