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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/551

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demander les revenus d’une vigne ; mais ici ils tuent ceux qui ne viennent à eux que pour les inviter aux noces de celui dont ils avaient été les meurtriers ; ce qui est le comble de la brutalité et de la fureur. C’est le reproche que saint Paul leur fait, lorsqu’il dit : « Ils ont tué vos serviteurs et vos prophètes ; et ils nous ont persécutés ». (Rom. 11,3) Il prévient même l’excuse qu’ils pouvaient prendre en disant qu’ils ne le tuaient que parce qu’il était contraire à Dieu ; lorsqu’il dit que c’est le Père qui les invite, et qui fait ces noces auxquelles il les appelait. Quel sera donc le supplice de ces barbares, qui, après avoir refusé si orgueilleusement de venir à ses noces, répandent le sang de ceux qui les y avaient invités ?
« Le roi, l’ayant appris, entra en colère ; il e envoya ses armées, perdit ces meurtriers, et brûla leur ville (7) ». Il brûle leur ville et envoie de troupes pour les passer tous au fil de l’épée. Il prédit par ces paroles ce qui devait arriver sous Vespasien et sous Tite, et montre par là quel outrage les Juifs faisaient au Père en traitant ainsi son Fils ; puisque c’est le Père qui les en punit. Cependant il ne les punit pas aussitôt après la mort de Jésus-Christ, mais seulement quarante ans après, afin de leur montrer jusqu’où allait sa douceur et son invincible patience. Car ils ne furent ruinés qu’après qu’ils eurent lapidé le saint martyr Étienne, qu’ils eurent coupé la tête à saint Jacques et qu’ils eurent témoigné tant de mépris pour tous les apôtres. Mais nous devons admirer la certitude de cette prophétie, et la promptitude avec laquelle elle fut accomplie, puisqu’elle fut exécutée du vivant même de l’apôtre saint Jean et de plusieurs autres qui l’avaient ouïe de la bouche du Sauveur.
Repassez donc encore une fois dans votre esprit, mes frères, quel soin Dieu a témoigné pour ce peuple. Il a planté une vigne, il l’a enfermée de murailles ; il a fait tout ce qu’il fallait. Il envoie ensuite des serviteurs pour en demander les fruits : les vignerons les tuent. Il en envoie d’autres ; ils les tuent encore. Il envoie son propre Fils : ils le tuent et le crucifient. Après cet outrage, et après une mort si injuste, Dieu les appelle encore aux noces, et ils refusent d’y venir. Il leur envoie d’autres serviteurs pour les presser davantage ; et ils les font mourir. Enfin, après qu’ils ont témoigné par tant de preuves que leur maladie était incurable et leur opiniâtreté inflexible, Dieu prononce l’arrêt de leur condamnation. Et il est aisé de voir que leur malice était entièrement incurable, puisqu’ils ne se sont pas convertis, lors même que les femmes perdues et les publicains ont cru en Jésus-Christ, et qu’ainsi la foi de ces pécheurs qu’ils n’ont pas voulu imiter, est une seconde condamnation de leur perfidie.
Que si l’on dit que Jésus-Christ n’a pas attendu à prêcher l’Évangile aux gentils que les Juifs eussent maltraité les apôtres, parce qu’il leur dit aussitôt après sa résurrection : « Allez, enseignez tous les gentils », nous répondons que Jésus-Christ, et avant et après sa mort, a envoyé ses apôtres aux Juifs. Car il leur commanda formellement avant sa passion d’aller aux brebis de la maison d’Israël qui étaient égarées ; et après sa résurrection, non seulement il ne leur défendit point de prêcher aux Juifs ; mais il leur ordonna expressément d’aller commencer par eux, Quoiqu’il leur eût dit qu’ils iraient porter son Évangile par toute la terre, il voulut qu’ils l’annonçassent d’abord à cette ville rebelle : « Vous recevrez », leur dit-il, « la force du Saint-Esprit qui viendra sur vous, et vous me servirez de témoins dans Jérusalem, dans toute la Judée, et jusqu’aux extrémités de la terre ». Saint Paul dit de même : « Celui qui a agi dans Pierre pour le rendre l’apôtre des Juifs, a agi en moi pour me rendre l’apôtre des gentils. » (Act. 1,7) Ainsi, les apôtres d’abord prêchèrent aux Juifs, et après avoir longtemps été maltraités par eux et enfin bannis de leurs terres, ils s’en aillèrent ensuite prêcher aux gentils.
2. Mais considérez ici, mes frères, la magnificence de Dieu. « Alors il dit à ses serviteurs : Le festin des noces est tout prêt, mais ceux que nous y avions appelés n’en étaient pas dignes (8). Allez-vous-en donc dans les carrefours et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez (9). Ils se contentaient auparavant de demeurer dans la Judée, et de prêcher indifféremment à tous ceux qui s’y trouvaient, Juifs ou gentils : mais, reconnaissant que les Juifs leur dressaient toujours des pièges, saint Paul explique enfin cette parabole : « Il fallait », dit-il », qu’on vous prêchât d’abord la parole de Dieu ; mais puisque vous vous en êtes jugés indignes, nous nous tournons vers les gentils ». (Act. 17,6) c’est pourquoi Jésus-Christ dit dans cette parabole :