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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/567

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que c’est lui qui est ce Seigneur, et il le prouve non seulement par ses actions, mais encore par les prophètes ; montrant que son Père prendrait sa cause, et qu’il le vengerait contre eux-mêmes. « Jusqu’à ce que je réduise vos ennemis », dit-il, « à vous servir de marche-pied ». Ce qui fait voir clairement quel zèle le Père avait pour la gloire de son Fils, et quelle union ils avaient ensemble.
C’est ainsi qu’il termina enfin tontes ces questions que les Juifs lui faisaient pour le surprendre ; et l’on peut dire que cette fin en fut glorieuse et surprenante, et qu’elle était capable de fermer éternellement la bouche à ses ennemis. En effet, depuis ce temps ils se tinrent dans le silence ; silence qui, à la vérité, n’était pas volontaire, mais forcé ; parce qu’ils n’avaient plus rien à lui dire. Ses réponses précédentes, comme autant de flèches mortelles, les avaient tellement abattus, qu’ils ne lui pouvaient plus résister. « A quoi personne ne lui put rien répondre : et depuis ce jour nul n’osa plus lui faire de questions (45) ». Le peuple retirait un grand avantage de ce silence des pharisiens, puisque ceux-ci n’osaient plus interrompre les prédications du Sauveur. Aussi l’on voit que Jésus-Christ ne parle plus qu’au peuple dans la suite. Tous les pharisiens et les docteurs de la loi le fuient, et il semble qu’il ait mis tous ces ennemis en fuite comme une troupe de loups qui ne cherchaient qu’à le dévorer. Ces envieux ne retirèrent aucun fruit de leurs demandes envenimées ; et l’amour de la vaine gloire dont ils étaient possédés, les empêcha de profiter de tant d’instructions si divines.
3. Car l’ambition, mes frères, est une passion étrange. Elle se diversifie en cent manières différentes. Les uns, pour être honorés, désirent d’être souverains, les autres d’être riches, les autres d’être forts et robustes. Cette passion tyrannique passant encore plus avant, fait (lue les uns cherchent la gloire par leurs aumônes, les autres par leurs jeûnes, les autres par leurs prières, les autres par leur science, tant ce monstre a de têtes et de faces différentes. On ne doit pas beaucoup s’étonner que les hommes cherchent de la gloire dans les grandeurs et dans les magnificences du monde ; mais, ce qui est surprenant, et ce qu’on ne peut assez blâmer, c’est qu’on veut même tirer vanité de ses jeûnes et de ses prières. Nous tâcherons aujourd’hui de ne pas seulement nous élever contre ce vice, mais de vous en proposer aussi les remèdes. Quels seront donc les premiers que nous entreprendrons de guérir ? Commencerons-nous par ceux qui tirent gloire de leurs richesses, ou de leurs habits magnifiques, par ceux qui s’enflent de leur dignité ou de leur science, qui se glorifient de quelque art, où ils excellent ; ou de la force de leurs corps, on de la beauté et de l’agrément de leur visage ? Parlerons-nous aujourd’hui contre ceux qui tirent gloire de leur puissance et de leurs rapines cruelles, ou contre ceux qui ont de la vanité de leurs aumônes ? En un mot, tâcherons-nous de guérir ceux qui prennent avantage des choses mauvaises, ou ceux qui se glorifient de leurs bonnes œuvres ? Nous adresserons-nous à ceux qui ne sont superbes que jusqu’à la mort, ou à ceux dont l’orgueil s’étend même au-delà de la vie ? Car cette passion se diversifie étrangement dans ses effets, et elle est profondément enracinée dans le cœur des hommes. De là viennent ces testaments qui font dire tous les jours : Un tel est mort, et il a voulu se signaler après sa mort ; il a enrichi l’un, et il a appauvri l’autre. Car la même vanité se nourrit également de ces deux effets si contraires, et elle aime à abaisser comme à élever.
Quels seront donc ceux que nous entreprendrons de guérir les premiers, puisqu’on ne peut parler tout ensemble à tant de si différentes personnes ? Il vaut mieux que nous nous attachions aujourd’hui à ceux qui recherchent de la gloire dans leurs aumônes, Car je vous avoue que si j’aime extrêmement que l’on fasse l’aumône, je suis percé aussi jusqu’au cœur, lorsque je vois qu’on la corrompt par le poison de cette vanité secrète. Je suis frappé de ce malheur, et je déplore alors cette vertu, comme je verrais avec douleur la fille d’un grand roi entre les mains d’une femme impudique, qui ne prendrait le soin de l’élever que pour l’abandonner ensuite aux dérèglements et aux désordres, qui lui commanderait d’abord de mépriser son père, et qui la parerait d’une manière qui lui déplairait infiniment, et plus digne d’une courtisane que d’une princesse, pour la rendre agréable à ceux qui n’auraient dessein que de la perdre et de la déshonorer.
Tâchons donc aujourd’hui de désaveugler ces personnes : et supposons d’abord qu’un homme fait de grandes aumônes pour se faire