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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/569

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de vous rendre semblables à lui, en rendant secrètes vos aumônes, comme nous voyons dans l’Évangile, qu’après avoir guéri les malades, il leur défendait de parler de lui.
Mais vous désirez, me direz-vous, de passer pour charitable parmi les hommes. Et moi je vous, demande quel avantage vous en retirerez. Vous n’avez point de bien que vous en puissiez attendre et vous en devez craindre un très-grand mal. Ces personnes mêmes que vous voulez rendre les témoins du bien que vous faites, deviennent les larrons qui dérobent ce trésor que vous deviez vous assurer dans le ciel. Ou plutôt ce ne sont pas eux qui le volent ;. c’est vous-même qui vous volez, et qui vous ravissez ce dépôt que vous aviez mis entre les mains de Dieu dans la personne des pauvres. O malheur étrange ! ô nouvelle espèce de larcin ! Ce que ni la rouille ne peut corrompre, ni les voleurs ne peuvent voler, est corrompu et ravi en un moment par la vaine gloire. Elle est le ver qui gâte des choses incorruptibles. Elle est le voleur qui étend sa violence jusque dans le ciel, qui vous prend votre trésor, qui vous ravit un royaume, et qui vous dépouille de ces richesses éternelles et ineffables. Comme le démon sait que ce trésor que nous nous amassons dans le ciel, est à couvert de sa violence, et que ni la rouille, ni les voleurs, ni tous ses artifices n’y peuvent atteindre, il se sert pour le ravir, de la vaine gloire, et il fait par elle ce qu’il n’aurait pu faire par lui-même.
4. Vous me direz peut-être que vous désirez de recevoir de la gloire. Mais ne vous suffit-il pas que le pauvre à qui vous faites votre aumône en secret, et que Dieu pour qui vous la faites, vous estiment et vous louent de cette bonne œuvre ? Est-ce que vous voudriez que les hommes vous en louassent ? Prenez garde que le contraire ne vous arrive, et qu’on ne dise de vous que ce n’est point par un mouvement de compassion, mais par un désir de gloire que vous faites votre aumône. Craignez de passer pour cruel, lorsque vous insultez de la sorte à l’affliction des misérables, et que vous tirez votre gloire de leur malheur.
L’aumône est un mystère. Fermez donc les portes afin que personne ne voie un secret qu’il ne lui est pas permis de voir. Les plus augustes mystères de nos églises sont comme l’aumône et la miséricorde que Dieu fait aux hommes. Car c’est par une bonté pure et ineffable qu’il a eu compassion de nous, lorsque nous étions ses ennemis. La première oraison qui se dit à la célébration de nos mystères témoigne notre compassion, puisque nous y prions pour les possédés. Dans la seconde qui est pour les pénitents, nous demandons la miséricorde de Dieu pour eux. Dans la troisième, qui est pour nous-mêmes, nous présentons les enfants à Dieu, afin que leur innocence soit plus propre pour attirer sur nous sa miséricorde. Car, après avoir reconnu nos péchés, nous implorons la bonté de Dieu pour ceux qui en ont déjà commis beaucoup ou qui en peuvent commettre encore, mais nous faisons prier pour nous les enfants, sachant que Jésus-Christ a promis le ciel à ceux qui deviendraient comme des enfants. Ce qui nous apprend que ceux qui imitent leur simplicité et leur innocence sont plus capables d’implorer la bonté de Dieu pour ceux qui l’ont offensé. Que si nous considérons le mystère même de l’Eucharistie, ceux qui ont reçu le saint baptême, les initiés, savent qu’il est tout rempli des marques de la miséricorde et de la grâce de Dieu sur les hommes.
Lors donc que vous voulez faire l’aumône, imitez-nous et fermez les portes ; qu’il n’y ait que celui qui la reçoit qui en soit témoin, et si cela se pouvait, qu’il ne sache pas même d’où lui vient la charité qu’il reçoit. Que si vous ouvrez les portes, et si vous découvrez votre mystère, souvenez-vous que celui même dont vous recherchez l’estime, vous méprisera comme un superbe, et qu’il condamnera lui-même votre vanité. S’il est votre ami, il la blâmera dans son cœur, et s’il est votre ennemi, il la décriera devant tout le monde. Ainsi il vous arrivera le contraire de ce que vous souhaitez. Vous désirez qu’on vous admire, et qu’il s’écrie en vous voyant : Que cet homme est charitable ! qu’il est compatissant ! et l’on dira au contraire en vous détestant : Que cet homme est vain ! qu’il est aisé de voir qu’il pense plus à plaire aux hommes qu’à Dieu ! Si au contraire vous cachez les charités que vous faites, c’est alors qu’il les louera devant tout le monde. Dieu ne souffrira pas qu’une action si sainte soit longtemps cachée. Si vous avez soin de l’étouffer, il la publiera lui-même et il la rendra publique, plus que vous ne l’auriez pu faire. C’est pourquoi, laissez faire Dieu, abandonnez-vous à lui, et vous en serez plus heureux en l’autre vie, et plus estimé en ce monde même.
Vous voyez donc, mes très-chers frères, qu’il