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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/573

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porter des franges si longues ? Mettez-vous la vertu dans un ruban ? Dieu ne demande point de vous que vous agrandissiez ces bandes et ces rubans ; mais que vous vous souveniez de ses grâces, et que vous en témoigniez de la reconnaissance par la droiture de votre vie. Que si Dieu nous défend de chercher de la gloire dans nos jeûnes, dans nos aumônes, et dans nos autres actions de piété, qui sont pénibles et laborieuses, comment vous, ô pharisiens, pouvez-vomis en rechercher dans des choses extérieures, qui vous reprochent au contraire votre peu de vertu et votre insensibilité aux faveurs de Dieu ? Mais la vanité de ces hypocrites ne se terminait pas là ; elle s’étendait encore à d’autres bassesses bien plus grandes. « Ils aiment les premières places dans les festins, et les premières chaires dans les synagogues (6). Ils aiment à être salués dans « les places publiques, et à être appelés maîtres par les hommes (7) ». Quoique ces choses paraissent petites, elles sont néanmoins la cause des plus grands maux. Et elles ont souvent attiré des malheurs effroyables sur des provinces entières et sur le royaume même de Jésus-Christ. Je ne puis retenir mes larmes, lorsque j’entends parler de cet amour des préséances ; de ce désir d’être salué de tout le monde. Je repasse en moi-même combien de ruisseaux funestes, sortis de cette source, ont inondé ensuite l’Église. Mais ce n’est pas maintenant le temps de s’arrêter à déplorer ces malheurs ; et les personnes un peu âgées, qui ont vu ce qui s’est passé du temps de nos pères, n’ont pas besoin que je les en instruise.
Remarquez ici, mes frères, que les pharisiens faisaient paraître davantage leur orgueil et leur vanité au lieu même où ils devaient être plus humbles et plus modérés, puisqu’ils étaient obligés de témoigner plus de douceur et de modestie dans les synagogues, où ils n’entraient que pour former leurs disciples à la vertu. Car, pour ce qui regarde « les premières places dans les festins », cela pouvait être plus excusable, quoiqu’il soit vrai que celui qui est établi pour régler et pour enseigner les autres, doit signaler sa vertu, non seulement dans l’Église, mais généralement dans tous les autres lieux où il se trouve. Comme l’homme en quelque endroit qu’il soit est toujours homme, et sans comparaison supérieur aux bêtes, il faut de même que celui qui est le maître et le conducteur des âmes, se fasse reconnaître partout pour ce qu’il est, soit qu’il parle ou qu’il se taise, soit qu’il soit à table ou ailleurs, et que sa démarche, son regard, son geste, toute sa contenance et sa modestie extérieure le distinguent de tous les autres. Les pharisiens, au contraire, se rendaient ridicules partout, et s’exposaient à se faire moquer d’eux par tous les hommes, affectant ce qu’ils devaient éviter, et recherchant ce qu’ils devaient fuir : « Ils aiment », dit Jésus-Christ, « les premières places et les « premières chaires, ils aiment à être salués et à être appelés maîtres ».
3. Si c’est un crime d’aimer ces choses, quel crime n’est-ce pas de les rechercher avec tant d’empressement ? Jésus-Christ avait jusqu’ici passé assez légèrement sur les autres abus des pharisiens qui ne pouvaient nuire à leurs disciples ; et il s’était contenté de les condamner et de les blâmer ; mais quand il s’agit du désir des préséances et des dignités, ou de rechercher par ambition la chaire de vérité, pour instruire les hommes, le Fils de Dieu s’y arrête davantage. Il ne se contente plus de blâmer et de condamner les excès de ce genre, mais il donne à ses disciples des avis et des instructions toutes contraires à cette conduite. « Mais, pour vous, ne désirez point d’être appelés maîtres, parce que vous n’avez tous qu’un Maître, et que vous êtes tous frères (8)», sans que l’un d’entre vous ait aucun avantage sur l’autre, puisqu’il n’est rien de lui-même. C’est ce qui fait dire à saint Paul : « Qui est Paul ? Qui est Apollon ? Qui est Céphas ? Que sont-ils autre chose que des ministres » ? (1Cor. 3,5) Il ne dit pas : Que sont-ils autre chose que des docteurs ou des maîtres ? « Et n’appelez personne sur la terre votre père, parce que vous n’avez qu’un Père, qui est dans le ciel (9) ». Jésus-Christ ne leur fait point ce commandement, afin qu’ils l’observent à la lettre, et qu’ils ne donnent effectivement à personne le nom de père, mais afin qu’ils sachent quel est celui qu’ils doivent par excellence appeler leur « Père ». Car, comme il n’y a point d’homme qui soit proprement maître, il n’y en a point non plus qui soit proprement père. Dieu seul est essentiellement le Maître et le Père de tous les hommes, et c’est lui qui forme tous ceux qui sont les maîtres et les pères de son Église. « Et ne vous faites point appeler docteurs, parce que vous n’avez qu’un docteur qui est le Christ (10) ». Il ne dit pas « qui est moi », imitant encore cette conduite qu’il vient de garder, en disant : « Que vous semble du Christ ? de qui doit-il être fils » ? Je demanderais volontiers ici à ceux qui, pour déshonorer le Fils de Dieu, disent si souvent du Père qu’il n’y