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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/577

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pas, mes frères, parce que le temps ne le permettait pas encore. Il les laisse cependant dans leur charge, et se contente d’avertir le peuple afin qu’il ne se laisse pas surprendre, et que la dignité de ces hommes ne le porte pas à les imiter. Après qu’il a donné en général cette règle : « Faites tout ce qu’ils vous disent », il montre ici comment elle se doit entendre, et comment il faut borner ce mot de « tout » à ce qui est exempt de péché, afin que les moins sages ne prissent pas de là sujet de croire qu’ils pouvaient leur obéir indifféremment en toutes choses. « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le royaume des cieux, n’y entrant point vous-mêmes, et en empêchant l’entrée à ceux qui y entrent (13) ». Si c’est déjà un crime que de n’être utile à personne, que doit-on attendre lorsqu’on nuit même aux autres, et qu’on leur empêche l’entrée du ciel ? Ce mot, « ceux qui y entrent », ne veut marquer autre chose que ceux qui étaient près d’y entrer. Lorsque les pharisiens avaient à diriger les autres, ils leur faisaient des commandements insupportables. Et lorsqu’il s’agissait pour eux-mêmes de remplir leurs devoirs, au lieu de porter les hommes à la vertu par le bon exemple, ils ne servaient qu’à les induire dans le mal et qu’à les corrompre. Ces sortes de gens sont véritablement les fléaux des mœurs et la perte du monde. Ils n’instruisent les âmes que pour leur apprendre à se perdre, et ils sont opposés aux vrais pasteurs comme les ténèbres le sont à la lumière. Car, comme c’est le propre d’un pasteur et d’un docteur de l’Église de sauver celui qui allait se perdre, c’est le propre aussi d’un corrupteur et d’un empoisonneur des âmes de perdre celui qu’il devait sauver. Voici une autre accusation que Jésus-Christ exprime avec beaucoup de force : « Vous courez la mer et la terre pour rendre un seul prosélyte, et quand il l’est devenu, vous le rendez digne de l’enfer deux fois plus que vous (15) ». Cela veut dire : Ces grandes peines et ces longs travaux que vous endurez pour gagner une âme ne peuvent vous porter à l’épargner et à la ménager ensuite, quoique nous voyions tous les jours que nous conservons avec plus de soin ce que nous avons acquis avec plus de peine. Cependant cette considération ne fait point d"impression sur vous, et ne vous rend point plus compatissants envers ceux que vous gagnez. Jésus-Christ reprend donc ici les pharisiens de deux grands désordres : le premier, de ce qu’ils se sont rendus inutiles pour le salut des hommes, et de ce qu’ils ont bien de la peine à en pouvoir convertir un seul ; et le second, de ce qu’ils sont si indifférents et si lâches ensuite pour conserver ceux qu’ils ont gagnés, ou plutôt de ce qu’ils les perdent au lieu de les convertir, en leur apprenant à se corrompre par leur exemple, et en étant cause que leurs disciples deviennent encore plus méchants qu’eux. Car si le maître est méchant, le disciple le devient encore davantage, et il dépasse le mauvais exemple qui lui a été donné. Lorsque nous avons d’excellents maîtres, c’est tout ce que nous pouvons faire que de les imiter et d’égaler leur vertu ; mais lorsque nous en avons de méchants, nous passons aisément au-delà de leur méchanceté, parce que la nature a une facilité et une pente effroyable qui la porte au mal : « Vous le rendez », dit Jésus-Christ, « digne de l’enfer deux fois plus que vous ». Il veut par cette parole effrayer le peuple qui écoutait les pharisiens, et en même temps châtier sévèrement les pharisiens eux-mêmes, ces docteurs d’iniquité, qui ne se bornaient pas à faire leurs disciples aussi méchants qu’eux-mêmes, mais qui les poussaient encore à un plus bas degré de perversité : ce qui est l’extrême limite du mal.
« Malheur à vous, conducteurs aveugles qui dites : Si un homme jure par le temple, cela n’est rien ; mais s’il jure par l’or du temple, il est obligé à son serment (16). Insensés et aveugles que vous êtes ! Lequel est le plus à estimer, ou l’or, ou le temple qui sanctifie l’or (17) ? Et si un homme, dites-vous, jure par l’autel, cela n’est rien ; mais s’il jure par le don qui est sur l’autel, il est obligé à son serment (18). Aveugles que vous êtes, lequel est le plus grand, ou le don, ou l’autel qui sanctifie le don (19) ? Celui donc qui jure par l’autel, jure par l’autel et par tout ce qui est dessus (20). Et celui qui jure par le temple, jure par le temple et par celui qui y habite (21). Et celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu et par celui qui y est assis (22) ». Jésus-Christ attaque ici l’aveuglement et la folie des pharisiens qui portaient les hommes à mépriser les plus importants commandements de la Loi. Il semble néanmoins que le Fils de Dieu se contredise, car il