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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/582

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de leurs ameublements, de leurs habits, et de tout ce qui contribue aux délices et au luxe, et elles souhaitent pour cela d’être plus riches. Les hommes s’occupent aussi de ces mêmes bagatelles et de mille choses semblables, qui ne regardent toutes que l’accroissement de leur bien et les commodités de la vie. Quel est maintenant le jeune homme qui, devant se marier, se met en peine de savoir quelle est la femme qu’il va prendre ; comment elle a été élevée, si ses mœurs sont réglées, si sa vie est sans reproches ? Tous ses soins se terminent à savoir ce qu’elle a de biens ; combien elle a en fonds de terre ou en meubles, Il semble qu’il achète une femme, et on donne même au mariage le nom « de contrat ». J’en vois plusieurs aujourd’hui qui disent : Un tel a contracté avec une telle, pour dire qu’il l’a épousée. On déshonore ainsi le nom de Dieu, et on traite un sacrement si saint, comme un trafic où l’on se vend et où l’on s’achète. Il faut même, dans ces contrats, être extrêmement sur ses gardes, parce que l’on tâche encore plus d’y tromper que dans les autres.
Mais voici, mes frères, comment on se mariait autrefois parmi les chrétiens. Se vous le dis, non seulement afin que vous le sachiez, mais aussi afin que vous l’imitiez. On n’avait point d’égard au bien, ni aux avantages temporels. On cherchait une fille qui eût été bien élevée, qui eût de la sagesse et de la vertu, dont la vie fût réglée et honnête. Quand on l’avait trouvée, le mariage était conclu : on n’avait besoin, ni de contrat, ni d’articles, ni de notaires. On ne dépendait ni de l’encre, ni des Écritures. On ne voulait point d’autre sûreté que la vertu et la piété de l’un et de l’autre.
C’est pourquoi je vous conjure, mes frères, de ne point vous arrêter à ces vues si basses, lorsque vous vous marierez ; mais de ne vous mettre en peine que de trouver des filles sages, réglées, honnêtes, et vertueuses, et elles vous seront plus précieuses que tous les trésors du monde. Si vous ne cherchez que Dieu dans le mariage, il aura soin de vous y taire trouver avantageusement tout le reste. Mais si vous n’y cherchez que des qualités du monde, sans vous mettre en peine de celles qui doivent être les plus chères à un chrétien, vous n’y trouverez enfin ni les unes ni les autres.
Vous me direz peut-être : J’en vois plusieurs qui se sont enrichis du bien de leurs femmes. Ne rougissez-vous point d’avoir ces pensées ? J’ai entendu dire moi-même à plusieurs hommes du monde, qu’ils aimeraient mieux mille fois être pauvres, que de devenir riches par leurs femmes. Car, hélas ! qu’y a-t-il de plus malheureux que d’être riche de cette manière ? Qu’y a-t-il de plus cher que ce qu’on achète à si haut prix ? Qu’y a-t-il de plus honteux pour un homme que de s’exposer à entendre dire de lui, qu’il n’est rien par lui-même, et qu’il n’a de bien que ce qu’il a de sa femme. Je ne parle point du renversement qui a lieu dans un ménage de cette sorte, où l’on voit une femme hautaine et impérieuse, un mari esclave et timide, des serviteurs hardis et insolents, qui diront quelquefois de leur maître Qu’était cet homme-ci, avant qu’il se soit marié ? Un homme sans naissance, sans bien, sans honneur : et qu’a-t-il maintenant, sinon ce qu’il a reçu de notre maîtresse ?
Vous me direz peut-être que vous ne vous souciez guère de ces discours. Il est vrai, parce que vous avez un cœur d’esclave. Tous ces flatteurs et tous ces hommes lâches, qui cherchent un dîner aux bonnes tables, entendent tous les jours ces insultes sans en rougir. Ils se glorifient même de ce qui devrait être leur confusion ; et lorsque nous leur parlons de la sorte, ils disent en eux-mêmes ce proverbe : « Qu’on me donne un bon morceau, quand il me devrait étrangler ». O parole du démon, qui n’a été répandue dans le monde qu’afin de le perdre.
Que dites-vous, mes frères, quand vous osez parler de la sorte ? Vous déclarez que jamais vous n’aurez nul égard à la justice ; que vous renoncez à la raison ; que vous ne cherchez que le plaisir ; que vous l’aimerez toujours quand il vous devrait coûter la vie, quand tout le monde vous devrait déshonorer, quand on vous cracherait au visage, quand on vous couvrirait de boue, et qu’on vous traiterait comme un chien. Que diraient autre chose les chiens et les pourceaux s’ils pouvaient parler ? Ou plutôt, cette parole serait indigne même d’un chien et d’une bête, et elle n’est digne que d’un homme qui a le démon sur la langue et dans le cœur.
Reconnaissez donc, mes frères, l’impiété de cette parole, et bannissez-la éternellement de votre bouche. Opposez à ces proverbes diaboliques les sentiments et les oracles de l’Écriture, et gravez-les dans votre mémoire. Écoutez