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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/585

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la barbarie de vos pères. Vous vous êtes rendus encore plus coupables qu’eux, soit parce que vous aviez dû être plus sages étant venus après eux ; ou parce que l’attentat que vous devez commettre, sera sans comparaison plus grand que ceux qu’ils ont commis, ou parce que vous ajoutez l’orgueil à la cruauté, en disant que si vous aviez été du temps de vos pères, vous n’auriez jamais répandu comme eux le sang des prophètes. Et, en effet, mes frères, les pharisiens n’ont-ils pas comblé les excès de leurs pères ? Leurs pères n’ont tué que les serviteurs qui venaient leur demander le fruit de la vigne, mais ils ont tué le Fils même, puis les serviteurs qui les invitaient aux noces. Jésus-Christ les appelle « serpents et race de vipères », pour leur faire voir qu’ils n’étaient point de la race d’Abraham, et pour leur montrer qu’ils ne devaient rien espérer de cette liaison charnelle qu’ils avaient avec ce saint patriarche, puisqu’ils étaient si éloignés d’imiter ses actions. C’est pourquoi il ajoute : « Comment pourrez-vous éviter d’être condamnés au feu de l’enfer », puisque vous suivez les traces de ceux qui ont commis tant de violences ? Il les fait encore souvenir par ces paroles de ces reproches que saint Jean leur avait faits ; puisqu’il leur donne ici le même nom de « vipères », que saint Jean leur avait donné, et qu’il les menace comme lui des supplices à venir. Mais Jésus-Christ, voyant que ni la crainte de son jugement ni les menaces du feu de l’enfer ne faisaient aucune impression sur leurs esprits, cherche à les effrayer au moins par l’appréhension des malheurs de cette vie. « Je m’en vais vous envoyer », leur dit-il, « des prophètes, des sages et des docteurs, et vous tuerez les uns, vous crucifierez les autres, vous fouetterez les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville ; afin que tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre retombe sur vous, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l’autel (35). Je vous dis en vérité que tout cela viendra fondre sur cette génération (36) ».
2. Par combien de considérations différentes Jésus-Christ tâche-t-il de rappeler ces hommes à lui ? Il leur a dit d’abord : « Vous condamnez vos pères en disant que vous n’auriez pas avec eux répandu le sans des prophètes, etc. » Cette parole était déjà bien propre à les faire réfléchir ; puis il ajoute : « Mais tout en condamnant vos pères, vous faites encore pis » ; et ce reproche était bien de nature à les couvrir de confusion. Il les assure de plus que tant de maux ne demeureraient pas impunis, et il les effraie par les menaces de l’enfer. Mais comme ces maux n’étaient que pour l’avenir, il s’efforce enfin de les effrayer par les malheurs qu’ils souffriraient dès cette vie. « Tout cela », dit-il, « viendra fondre sur cette génération ». Il montre par la manière dont il leur parle qu’ils deviendront le plus malheureux peuple qui fut jamais, et que tant de maux néanmoins ne les rendront pas meilleurs.
Que si vous me demandez, mes frères, pourquoi Dieu les punit avec plus de rigueur qu’il n’a jamais puni aucun peuple, je vous réponds que c’est parce qu’ils l’ont plus offensé qu’aucun autre peuple de la terre, et que rien n’a pu retenir leur malice ni dompter la dureté de leur cœur. Ne savez-vous pas ce qu’a dit Lamech ? « On s’est vengé sept fois de Caïn, mais on se vengera septante fois sept fois de Lamech ». (Gen. 4,23) C’est-à-dire je mérite bien plus de supplices que Caïn. Cependant il n’avait pas tué son frère comme Caïn avait fait. Mais parce que l’exemple et la punition de Caïn ne l’avait pas rendu sage, il fut puni avec cette juste – sévérité. C’est ce que Dieu dit ailleurs : « Je venge les péchés des pères sur « les enfants jusqu’à la quatrième génération ». (Ex. 20,5) Ce qui ne veut pas dire que Dieu punisse personne pour les péchés des autres, mais que celui qui a vu dans les siècles qui l’ont précédé, tant d’hommes punis avec rigueur pour les mêmes péchés qu’il commet, sans que cette considération l’ait pu retenir, souffrira lui seul les peines de tous les autres.
Jésus-Christ parle ici avec grande raison « du juste Abel », pour montrer que ce n’était aussi que l’envie qui animait les Juifs contre sa personne. Que pouvez-vous donc dire, ô pharisiens, pour vous excuser ? Ignorez-vous quelle vengeance Dieu a tirée de Caïn ? Direz-vous que Dieu ne punit point ce parricide et qu’il ne témoigna point combien il l’avait eu en horreur ? Ignorez-vous de quelle manière ont été traités vos pères pour avoir tué les prophètes ? Ne les a-t-on pas vus souffrir les dernières extrémités, et finir enfin une misérable vie par une plus misérable