Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pavé ; tels sont les hommes qui veulent se venger de ceux qui les ont offensés. Ils sont donc dignes de risée ; car c’est le fait d’une âme puérile d’être ainsi en proie à la colère ; en triompher au contraire est une œuvre virile. Ce n’est donc pus nous que notre modération expose à la risée, mais nos ennemis. Vaincre la passion n’est pas le fait d’hommes méprisables ; il appartient aux hommes méprisables de craindre le sourire des étrangers, d’en subir l’influence, de succomber ainsi à sa passion, d’offenser Dieu et enfin de se venger. Voilà ce qui est vraiment digne de risée. Fuyons donc ces choses. Que celui qui nous a fait mille injures puisse dire qu’il n’a rien souffert de notre part, et que, s’il recommençait, il n’en souffrirait pas davantage. En tenant ce langage par lequel il croirait nous blesser, il ne pourrait publier plus haut notre vertu, ni faire mieux notre éloge. Plût à Dieu que tous ceux qui m’entourent pussent dire : c’est un homme sans cœur, homme à tout souffrir ; tous lui font injure, et il le supporte ; tous se jettent sur lui, et il ne se venge pas ! Puissent-ils ajouter quand il le voudrait, il ne le pourrait pas ; afin que Dieu me loue et non les hommes. Qu’on dise si l’on veut que c’est par défaut de cœur que nous ne nous vengeons pas. Cela ne nous fait aucun mal, puisque Dieu sait ce qu’il en est, mais cela met notre trésor sous une sauvegarde plus puissante. Si nous voulons considérer les hommes, nous perdrons tout : ne nous occupons pas de ce qu’on dit, mais de ce qui convient. Ceux-là disent : Je ne veux pas qu’on se moque de moi, ni que personne se vante de m’avoir offensé. O folie ! personne ne s’est ri de moi après m’avoir offensé, dit-on, c’est-à-dire : je me suis vengé. Mais c’est précisément parce que vous vous êtes vengé de l’offenseur que vous méritez d’être un sujet de risée. D’où sont sortis ces mots qui sont la honte, la ruine, la subversion de notre vie particulière et sociale ? N’est-ce pas de l’habitude de parler autrement que Dieu ? Ce que vous jugez ridicule, c’est-à-dire, de ne pas se venger, c’est précisément ce qui rend égal à Dieu. Est-ce que nous ne sommes pas ridicules à nos propres yeux, ainsi qu’à ceux des gentils, de parler ainsi en sens contraire de Dieu ? Je veux raconter un fait qui s’est passé dans les temps anciens, et qui a rapport non à la colère, ruais aux richesses. Quelqu’un avait un champ dans lequel était caché un trésor, sans que le maître le sût. Il vendit ce champ. Celui qui l’avait acheté, fouillant, cultivant, plantant, trouva le trésor qui était enfoui. Le vendeur l’apprit, et vint vers l’acheteur pour le contraindre à lui rendre le trésor, disant qu’il lui avait vendu le champ et non le trésor. L’autre à son tour le réfutait en disant qu’il avait acheté le champ et le trésor, qu’il n’y avait rien à dire là-dessus. De là dispute entre eux, l’un réclamant le trésor, l’autre refusant de le donner ; ils rencontrèrent un homme et se disputèrent devant lui ; ils lui demandèrent à qui devait être le trésor. Mais lui ne prononça rien ; il leur dit qu’il allait vider leur différend, car il était le maître du trésor. Il prit donc le trésor qu’ils lui abandonnèrent volontiers ; il souffrit ensuite mille maux, et apprit par là que les hommes avaient bien fait de se désister. Il faut en agir ainsi par rapport à la colère ; ne cherchons point à nous venger, et que ceux qui ont fait des injures s’appliquent à les réparer justement. Mais sans doute il y en a qui croient cela ridicule. Lorsque cette folie a pris le dessus, les gens modérés sont tournés en ridicule, et, au milieu de la foule des insensés, celui qui ne l’est pas semble l’être. Je vous en supplie donc, supportons l’injure. Contenons nous afin de pouvoir, purifiés que nous serons de cette malheureuse passion, être jugés dignes du royaume des cieux, par la grâce et les miséricordes du Fils unique, à qui appartiennent avec le Père et l’Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.