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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/363

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pas juste que celui qui a d’abord été comblé de bienfaits, qui a ensuite commis des fautes dignes de punition et n’a été corrigé ni par les menaces ni par les bienfaits, que celui-là, dis-je, subisse le châtiment ? Si vous voulez consulter la justice et l’équité, c’était tout d’abord que nous devions être perdus ; et ce n’était pas seulement la justice, mais la charité envers nous qui le demandait. Celui qui injurie quelqu’un qui ne lui a point fait de mal, est puni selon toute justice, mais quand on injurie un bienfaiteur qui a accordé mille faveurs sans en avoir reçu aucune, à qui seul on doit l’existence, qui est Dieu ; qui a donné la vie, qui a comblé de bienfaits, qui veut mener au ciel, et que non seulement on l’injurie, mais qu’on répète chaque jour l’outrage par ses œuvres, quel pardon méritera-t-on ? Ne voyez-vous pas comme Adam, a été puni pour un seul péché ? Oui, direz-vous ; mais Dieu lui avait donné le paradis, et lui avait montré une extrême bienveillance. Or ce n’est pas la même chose de pécher quand on vit dans la sécurité et l’abondance, ou de pécher quand on est au milieu des afflictions. Eh ! c’est précisément là qu’est le mal : vous ne péchez pas au paradis, mais au sein des mille misères de cette vie, et ces misères ne vous rendent pas plus sages ; n’est comme si un homme enchaîné se montrait méchant. Mais Dieu vous a promis bien plus que le paradis terrestre ; S’il n’a pas encore réalisé sa promesse, c’est pour ne pas vous amollir au milieu des combats, et s’il vous l’a faite, c’est pour ne pas vous décourager au sein des épreuves. Pour un seul péché, Adam a attiré sur lui toute mort : et nous, nous péchons mille fois tous les jours. Mais si, pour une seule faute, Adam s’est attiré tant de maux et a introduit la mort dans le monde, quel sera notre châtiment, à nous, qui attendant le ciel au lieu du paradis terrestre, vivons constamment dans le péché ?
Ce langage est pénible et affligeant pour l’auditeur ; j’en juge par ce que j’éprouve moi-même ; mais mon cœur est troublé et palpitant ; et plus ce que l’on dit de l’enfer m’est démontré, plus je tremble et recule de frayeur. Mais il faut en parler, de peur que nous n’y tombions. Ce n’est pas le paradis, ni des arbres, ni des plantes qu’on, vous a promis ; mais le ciel et tous ses biens. Si donc celui qui a moins reçu, a été condamné sans rémission, à plus forte raison nous, qui avons commis bien plus de péchés et sommes appelés à de plus, grands biens, serons-nous punis sans remède. Songez depuis combien de temps notre race est sujette à la mort à cause d’un seul péché. Cinq mille ans et plus se sont passés, et la mort, fruit d’un seul péché, n’est pas encore détruite. Et nous ne pouvons pas dire qu’Adam avait entendu les prophètes, qu’il avait vu d’autres hommes punis pour leurs péchés, en sorte qu’il eût pu en concevoir de la terreur et devenir sage par leur exemple ; il était le premier homme, il était seul, et pourtant il fut puni. Or vous n’avez aucune de ces excuses à présenter, vous qui, après tant d’exemples, êtes devenu pire, vous qui avez reçu un Esprit si, grand et qui pourtant avez commis, non un ou deux péchés, mais des péchés sans nombre. Et parce qu’il ne faut qu’un instant pour commettre le péché, n’allez pas vous imaginer que la punition sera passagère. Ne voyez-vous, pas des hommes qui souvent ne sont coupables que d’un seul vol ou d’un seul adultère commis en un instant, passer toute leur vie dans les prisons ou dans les mines, et lutter perpétuellement avec la faire ou mille genres de mort ? Et personne ne les en tire, personne ne dit que la faute n’ayant duré qu’un instant, la punition ne, doit pas durer davantage.
2. Mais, dira-t-on, ce sont les hommes qui se conduisent ainsi, et Dieu est bon. D’abord ce n’est point par cruauté, mais par charité, que les hommes agissent ainsi ; et Dieu se venge aussi, précisément parce qu’il est bon ; sa vengeance même est la preuve de sa miséricorde. Quand donc vous dites que Dieu est bon, vous me fournissez un argument plus puissant en faveur de la punition, puisque nous offensons un être si parfait. Aussi Paul nous dit-il : « Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant ». (Héb. 10,31) Supportez, je vous en prie, us paroles brûlantes ; peut-être, oui peut-être, y trouverez-vous quelque consolation. Quel mortel peut punir comme Dieu qui a perdu par un déluge toute la race humaine déjà si nombreuse, et qui ; peu après, a fait descendre une pluie de feu et opéré une destruction complète ? Quelle punition humaine égalera jamais celles-là ? Ne voyez-vous pas que c’est – là, en un sens, un supplice immortel ? Quatre mille ans se sont écoulés, et la punition des habitants de Sodome subsiste encore dans son intégrité. Ainsi le supplice se