Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/529

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de plus cher. Il m’a mis à la tête de sa maison et je viens après lui. « Il ne s’est réservé que vous ». Par ces paroles, il fait remonter cette femme au rang dont elle veut descendre, pour la rappeler à la pudeur et lui montrer la place honorable qu’elle remplit. Il ne s’arrête pas là : Vous êtes sa femme, lui dit-il, comment donc pourrais-je faire une aussi mauvaise action ? Vous me dites : Mon mari n’est pas là, il ignorera l’outrage ; mais cet outrage aura Dieu pour témoin. Loin de profiter de ces conseils, elle cherchait à l’attirer. C’était une démence furieuse, ce n’était pas son amour pour Joseph qui la faisait agir, et la suite l’a bien prouvé. Elle prend son mari pour juge, elle dresse son accusation, elle a recours au faux témoignage ; elle fait de son mari une bête féroce auquel elle livre un innocent. Elle fait jeter Joseph en prison. Que dis-je ? Elle fait tout ce qu’elle peut pour causer sa mort, tant elle exalte la fureur de son juge !
Eh bien, Joseph use-t-il de représailles ? Non il ne se défend pas, il n’accuse pas cette femme. Mais, direz-vous, on n’aurait pas voulu le croire. Pourtant, il était fort aimé de son, maître, cela est évident, et il en fut toujours aimé. Car, si ce mari furieux ne l’avait pas beaucoup aimé, il l’aurait tué, quand il gardait le silence, quand il ne se défendait pas. C’était un prince égyptien blessé dans son honneur, il le croyait du moins, et cela par un de ses serviteurs, oui, par un de ses serviteurs qu’il avait comblé de bienfaits. Mais toutes ces considérations cédèrent à l’amour et à la sympathie que Dieu mit dans le cœur du maître. Outre cette sympathie et cet amour, Joseph avait pour lui des preuves sérieuses, s’il avait voulu se défendre ; et ces preuves, c’étaient ses vêtements restés entre les mains de cette femme. Si elle avait été en butte à quelque violence, au lieu de montrer les vêtements de Joseph, elle aurait dû montrer sa tunique lacérée, son visage déchiré. « Mais », dit-elle, « c’est parce qu’il m’a entendue crier, qu’il s’est enfui, en laissant ses vêtements entre mes mains ». (Gen. 39,15) Pourquoi donc le dépouiller de ses vêtements ? Que pouviez-vous demander, vous qui étiez exposée à sa violence ? D’être délivrée de l’auteur d’un pareil attentat. Mais ce n’est pas seulement sa conduite en cette occasion, c’est le reste de sa vie qui a mis à nu son cœur bienveillant et charitable. Réduit à exposer les motifs de sa longue incarcération, au lieu d’exposer les faits dans toute leur réalité, il se contente de dire : « Je n’ai rien fait ; mon malheur est d’avoir été arraché à la terre des Hébreux ». (Gen. 60,15) Il se tait sur la femme adultère. Il ne se glorifie pas de son innocence, comme tout autre aurait pu le faire à sa place, dans une circonstance où le récit de ce qui s’était passé n’était pas une affaire de vanité, mais un moyen de repousser les suppositions que pouvait faire naître cet emprisonnement. Si les pécheurs eux-mêmes, en pareille matière, ne s’abstiennent pas d’accuser, quelque déshonorante que soit l’accusation, comment ne pas trouver admirable cet homme qui est resté pur et qui, malgré cela, ne parle point de l’amour de cette femme, ne révèle point sa faute, cet homme qui, monté sur le trône d’Égypte, ne se souvient plus de l’outrage et ne punit point la coupable ?
8. Voyez comme il la ménageait, et pourtant cette femme n’aimait pas, mais elle était en démence. Elle n’avait pas de l’amour poux Joseph ; elle voulait satisfaire son caprice. Qu’on pèse bien ses paroles, elles respirent toutes la fureur et le meurtre. Que dit-elle à son mari ? « Vous avez amené ici un esclave hébreu, pour qu’il nous insultât ». (Gen. 30,17) Elle reproche à son mari le bien qu’il a fait : elle lui montre les vêtements de Joseph, cette femme plus cruelle qu’une bête féroce. Ah ! Joseph n’agit pas ainsi. Que dire de sa douceur, lorsqu’à l’égard de ses frères qui avaient failli le tuer, il se montre tel qu’il avait été toujours, ne laissant échapper sur leur compte, ni en particulier, ni en public, aucune parole amère ou fâcheuse. Voilà pourquoi saint Paul appelle la charité la mère de toutes les vertus ; voilà pourquoi il la met au-dessus de tous les signes et de tous les dons spirituels. L’or répandu sur les vêtements et sur les chaussures n’est pas, à lui seul, une marque suffisante de la royauté ; mais quand nous apercevons la pourpre et le diadème, nous n’en demandons pas davantage, pour la reconnaître. Il en est de même ici. Le diadème de la charité montre suffisamment le disciple du Christ non seulement à nous chrétiens, mais encore aux infidèles. « Vous vous ferez reconnaître à tous pour mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres ». (Jn. 13,35) Ce signe-là est donc au-dessus de tous les autres, puisque c’est le signalement du disciple de Jésus-Christ. Que d’autres produisent