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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/541

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Pour rendre ma pensée plus claire, appliquons notre discours à une de ces prescriptions qu’on accomplissait alors sous la forme mystique, et vous verrez quelle est la différence. Prenons la Pâque, si vous voulez, et l’ancienne et la nouvelle, et vous reconnaîtrez l’excellence de celle-ci. Les Juifs célébraient l’ancienne, mais ils la célébraient comme s’ils la voyaient à travers un miroir et une énigme. Ces mystères cachés ne se présentaient pas même à leur pensée, et ils ne savaient point quelles étaient ces choses qu’ils annonçaient, mais ils ne voyaient qu’un agneau immolé, et le sang d’une bête, et les portes qui en étaient arrosées. Mais que le Fils de Dieu incarné dût être immolé et délivrer la terre, et donner son sang à goûter aux Grecs et aux barbares, ouvrir le ciel à tous, et offrir au genre humain les biens d’en haut, qu’il dût porter cette chair sanglante au-delà des cieux et des armées des anges, des archanges et des autres puissances, et la placer sur un trône divin à la droite du Père, brillant d’une gloire ineffable : voilà ce que ne savaient point les Juifs, ni aucun autre parmi les hommes, et ce qu’ils ne pouvaient point soupçonner. Mais que disent les impies, qui osent tout ? que cette parole : « Maintenant je connais en partie », s’applique à la Providence, car saint Paul avait la connaissance parfaite de Dieu. Et comment se fait-il qu’il se donne le nom d’enfant ? Comment voit-il à travers un miroir, comment à travers le voile d’une énigme, s’il possède la science parfaite ? Pourquoi est-ce qu’il attribue cette science au Saint-Esprit, à l’exclusion de toute autre puissance créée, disant : « Qui est-ce qui connaît les pensées de l’homme, sinon l’esprit qui est en lui ? Ainsi personne ne connaît ce qui se rapporte à Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu ». (1Cor. 2,11). Et d’un autre côté, le Christ déclare que cette science est à lui tout seul, car il parle ainsi « Personne n’a vu le Père », si ce n’est celui qui « vient du Père ; celui-là a vu le Père » (Jn. 6,46) : nous apprenant que cette vue seule est la connaissance claire et parfaite. Comment celui qui connaît la substance d’un être peut-il en ignorer l’économie ? La connaissance de la substance est plus difficile que l’autre. – Ainsi, suivant l’apôtre, nous ignorons Dieu ? – Loin de là ; nous savons qu’il est, mais quelle est sa substance, nous l’ignorons. Et ce qui prouve que cette parole : « Maintenant je connais en partie », ne s’applique point à la Providence, c’est la suite, car saint Paul ajoute : « Alors je connaîtrai comme je suis connu ». Or ce n’est point la Providence, c’est Dieu qui connaît. Cette opinion n’est donc pas simplement inique, elle l’est deux, et trois et mille fois. C’est par conséquent une vanité absurde, non seulement de se glorifier de savoir ce que savent seuls le Saint-Esprit et le Fils unique de Dieu, mais encore de prétendre arriver par le raisonnement à cette connaissance parfaite, quand saint Paul n’a pu en saisir qu’une partie, et encore par une révélation d’en haut ; car je défie que l’on me montre un seul passage de l’Écriture qui raisonne de ces choses. Mais laissons de côté la folie des impies, et voyons ce que l’apôtre dit encore de la charité. Il ne s’en est pas tenu là, il ajoute : « Maintenant restent la foi, l’espérance, la charité, mais, la charité l’emporte sur les deux autres vertus ».
3. Car la foi et l’espérance cessent, quand sont arrivés les biens dans lesquels on a cru et qu’on a espérés. C’est ce que veut dire saint Paul par ces paroles : « L’espérance qu’on voit n’est point l’espérance ; pourquoi en effet espérer ce que déjà l’on voit ». (Rom. 8,24) Et en un autre endroit : « La foi est la substance des choses que l’on espère et la preuve des choses qui n’apparaissent point ». (Héb. 11,1) C’est pourquoi la foi et l’espérance cesseront, quand ces biens nous seront apparus ; mais la charité s’en accroîtra et deviendra plus forte. Autre éloge de la charité : elle ne se contente point des biens qu’elle a ; elle s’efforce toujours d’en trouver de nouveaux.
Faites-y attention : il a dit que la charité est le plus grand des dons, et la voie la meilleure pour les obtenir ; il a dit que sans elle, ces dons ne nous servent pas beaucoup ; il l’a décrite par des traits nombreux, il veut de nouveau l’exalter d’autre façon et montrer qu’elle est grande en ce qu’elle est stable. C’est pourquoi il a dit : « Ce qui nous resté, c’est la foi, l’espérance, la charité, ces trois vertus, mais la charité l’emporte sur les autres ». Comment donc l’emporte-t-elle?, en ce que les autres passent. Si donc telle est la force de la charité, il ajoute à bon droit : « Poursuivez la charité ». En effet il faut la poursuivre et s’empresser vivement vers elle, car elle est prompte à s’envoler, et grands sont les obstacles