Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/55

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prindrent plus de trente hommes et femmes Margajas prisonniers, lesquels ils emmenerent en leur pays. Partant encor que nous deux François n’eussions fait autre chose sinon (comme j’ay dit) qu’en tenans nos espées nues en la main, et tirans quelques coups de pistolles en l’air pour donner courage à nos gens : si est-ce toutesfois que ne leur pouvans faire plus grand plaisir que d’aller à la guerre avec eux, qu’ils ne laissoyent pas de tellement nous estimer pour cela, que du depuis les vieillards des villages où nous frequentions nous en ont tousjours mieux aimé.

Les prisonniers doncques mis au milieu et pres de ceux qui les avoyent prins, voire aucuns hommes des plus forts et robustes, pour s’en mieux asseurer, liez et garrotez, nous nous en retournasmes contre nostre riviere de Genevre, aux environs de laquelle habitoyent nos sauvages. Mais encor, parce que nous en estions à douze ou quinze lieuës loin, ne demandez pas si en passant par les villages de nos alliez, venans au devant de nous, dansans, sautans et claquans des mains ils nous caressoyent et applaudissoyent. Pour conclusion quand nous fusmes arrivez à l’endroit de nostre isle, mon compagnon et moy nous fismes passer dans une barque en nostre fort, et les sauvages s’en allerent en terre ferme chacun en son village.

Cependant quelques jours apres qu’aucuns de nos Toüoupinambaoults, qui avoyent de ces prisonniers en leurs maisons nous vindrent voir en nostre fort, priez et solicitez qu’ils furent par les truchemens que nous avions d’en vendre à Villegagnon, il y en eut une partie qui fut par nous recousse d’entre leurs mains. Toutesfois, ainsi que je cogneu en achetant une femme et un sien petit garçon qui n’avoit pas deux ans, lesquels me cousterent pour environ trois francs de marchandises,