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COMÉDIE ERRANTE


A JULES CLARETIE

Les comédiens étaient réunis dans la cour de la petite maison. Le cercueil attendait qu’un vînt le prendre. Un chien jaune léchait mélancoliquement les mains du maigre Casimir. Les voisins regardaient cette chose curieuse, l’enterrement de la petite fille d’un acteur.

Huit jours avant cette journée de deuil, la petite Rose jouait avec les enfants de la bourgade, fière, heureuse, récitant des lambeaux de tirades retenues pendant qu’elle écoutait sa mère étudier ses rôles. C’était lumineux et charmant, ce bébé de six ans, affectant des airs de petite femme. Quand les comédiens la voyaient, ils oubliaient les recettes mauvaises, l’incertitude où l’on était de savoir si l’on mangerait demain, les critiques de la fouille locale. Puis, brusquement. Rose se mit au lit. On ne savait ce qu’elle avait, et le soir, pendant que le père jouait Blancmignon, dans la Femme aux œufs d’or, on vint lui dire que sa fille était morte. Il fut impossible de finir le spectacle. Casimir vint annoncer aux rares spectateurs le malheur qui frappait son camarade et pria le public de ne pas exiger qu’un père et une mère affolés continuassent à réciter des choses joyeuses. On siffla et plusieurs personnes réclamèrent leur argent.

Quand il fallut enterrer l’enfant, ce fut une grande affaire. On était pauvre. Comme il n’y avait pas de mont-de-piété dans la petite ville, Marthe, la jeune-