Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/12

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ce vestige de l’ancien état social survive parmi des générations qui n’admettent que des institutions basées sur la justice. C’est une exception unique qui trouble l’harmonie des lois et des coutumes modernes ; mais comme elle ne fait pas montre de son origine, et qu’elle n’est pas discutée à fond, elle ne nous semble pas un démenti donné à la civilisation moderne, pas plus que l’esclavage domestique chez les Grecs ne les empêchait de se croire un peuple libre.

En effet, la génération actuelle, comme les deux ou trois dernières générations, a perdu toute idée vraie de la condition primitive de l’humanité ; quelques personnes seulement qui ont étudié l’histoire avec soin, ou visité les parties du monde occupées par les derniers représentants des siècles passés, sont capables de se figurer ce qu’était alors la société. On ne sait pas que, dans les premiers siècles, la loi de la force régnait sans partage, qu’on la pratiquait publiquement, ouvertement, je ne dis pas avec cynisme et sans pudeur, ce serait impliquer qu’il s’attachait à cet usage quelque idée honteuse, tandis qu’une telle idée ne pouvait, à cette époque, entrer dans l’entendement de personne, à l’exception d’un philosophe ou d’un saint. L’histoire nous donne une triste expérience de l’espèce humaine en nous apprenant quelle rigoureuse proportion réglait les égards pour la vie, les biens et le bonheur d’une