Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à l’opinion que les Françaises. On peut noter en passant que les Anglais sont dans des circonstances particulièrement défavorables pour juger ce qui est naturel ou ne l’est pas, non seulement aux femmes, mais aux hommes, ou aux membres de l’humanité indistinctement. Ils ont surtout puisé leur expérience dans leur pays, le seul lieu peut-être où la nature humaine laisse voir si peu de ses traits naturels. Les Anglais sont plus éloignés de l’état de nature que tous les autres peuples modernes, à la fois dans le bon et dans le mauvais sens ; plus qu’aucun autre ils sont le produit de la civilisation et de la discipline. C’est en Angleterre que la discipline sociale a le mieux réussi, non pas à vaincre, mais à supprimer tout ce qui pouvait lui résister. Les Anglais, plus que tout autre peuple, non seulement agissent, mais sentent d’après la règle. Dans les autres pays, l’opinion officielle ou les exigences de la société peuvent bien avoir la prépondérance, mais les tendances de la nature de chaque individu restent toujours visibles sous leur empire, et souvent résistent : la règle peut être plus forte que la nature, mais la nature est toujours là. En Angleterre, la règle s’est en grande partie substituée à la nature. La plus grande partie de la vie se passe, non à suivre son inclination en se conformant à la règle, mais à n’avoir pas d’autre inclination que de suivre la règle. Or