Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/51

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l’ensemble de la constitution actuelle de la société, on pourrait conclure que l’opinion est diamétralement le contraire. À voir les choses, les hommes semblent croire que la prétendue vocation des femmes est ce qui répugne le plus à leur nature ; que, si elles avaient la liberté de faire toute autre chose, si on leur laissait un moyen quelque peu souhaitable d’employer leur temps et leurs facultés, le nombre de celles qui accepteraient volontairement la condition qu’on dit leur être naturelle serait insuffisant. Si telle est l’opinion de la plupart des hommes, il serait bon de le déclarer. Sans doute cette théorie est au fond de presque tout ce qu’on a écrit sur ce sujet, mais je voudrais voir quelqu’un l’avouer hautement, et venir nous dire : « Il est nécessaire que les femmes se marient et fassent des enfants. Elles ne le feraient pas si elles n’y étaient forcées. Donc il faut les forcer. » On verrait alors le nœud de la question. Ce langage aurait une ressemblance frappante avec celui des défenseurs de l’esclavage dans la Caroline du Sud et la Louisiane. « Il est nécessaire, disaient-ils, de cultiver le sucre et le coton. L’homme blanc ne le peut pas, les nègres ne le veulent pas au prix que nous prétendons leur donner. Ergo, il faut les contraindre. » Un autre exemple encore plus saisissant, c’est la presse des matelots qu’on jugeait absolument nécessaire pour la défense du pays. « Il arrive souvent,