Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

réellement cette appréhension, mais qu’elles n’exigent dans le mariage des conditions d’égalité ils redoutent que toutes les femmes de talent et de caractère n’aiment mieux faire toute autre chose, qui ne leur semble pas dégradante, que de se marier, si en se mariant elles ne font que se donner un maître, et lui donner tout ce qu’elles possèdent sur la terre. Vraiment si cette conséquence était un accessoire obligé du mariage, je crois que l’appréhension serait très bien fondée. Je la partage ; il me semble très probable que bien peu de femmes capables de faire toute autre chose aimeraient mieux, à moins d’un entraînement irrésistible qui les aveugle, choisir un sort aussi indigne si elles avaient à leur disposition d’autres moyens d’occuper dans la société une place honorable. Si les hommes sont disposés à soutenir que la loi du mariage doit être le despotisme, ils ont bien raison pour leur intérêt de ne laisser aux femmes que le choix dont nous parlions. Mais alors tout ce qu’on a fait dans le monde moderne pour alléger les chaînes qui pèsent sur l’esprit des femmes a été une faute. Il n’aurait jamais fallu leur donner une éducation littéraire. Des femmes qui lisent, et à plus forte raison des femmes qui écrivent, sont, dans l’état actuel, une contradiction et un élément de perturbation : on a eu tort d’apprendre aux femmes autre chose qu’à bien remplir leur rôle d’odalisque ou de servante.