Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/66

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autre personne. La loi qui, récemment encore, essayait à peine de punir ces odieux excès d’oppression domestique, a fait ces dernières années de faibles efforts pour les réprimer. Ils ont produit peu d’effet, et on n’en doit guère attendre, parce qu’il est contraire à la raison et à l’expérience qu’on puisse mettre un frein à la brutalité en laissant la victime au pouvoir du bourreau. Tant qu’une condamnation pour voies de fait, ou, si l’on veut, pour une récidive, ne donnera pas à la femme, ipso facto, droit au divorce, ou au moins à la séparation judiciaire, les efforts pour réprimer les « sévices graves » par des pénalités resteront sans effet, faute d’un plaignant ou faute d’un témoin.

Que si l’on considère le nombre immense des hommes qui dans tous les grands pays ne s’élèvent guère au-dessus des brutes, et si l’on songe que rien ne s’oppose à ce qu’ils acquièrent par la loi du mariage la possession d’une victime, on verra l’effrayante profondeur de misère qui se creuse sous cette seule forme. Pourtant ce ne sont que les cas extrêmes, ce sont les derniers abîmes ; mais, avant d’y parvenir, que de gouffres sombres sur la pente ! Dans la tyrannie domestique comme dans la politique, les monstres font voir ce que vaut l’institution ; par eux on apprend qu’il n’y a pas d’horreur qui ne se puisse commettre sous ce régime, si le despote le veut, et l’on mesure