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MOLIÈRE.



Sur un petit tertre à l’ombre d’un chêne, dans un sarcophage en pierre creusé dans la masse, soutenu sur quatre pilastres, et surmonté d’une coupe en marbre dans laquelle les oiseaux, dit-on, aiment à se désaltérer, sont déposées les cendres de Jean-Baptiste Poquelin de Molière, de ce poëte célèbre, qui, digne émule d’Aristophane, de Plaute et de Térence, créa en France la bonne comédie, corrigea les vices par le ridicule, et sut avec art unir au plaisant badinage, à la gaîté de ses dialogues, la plus saine philosophie ; un des plus beaux génies enfin qui ont illustré le siècle de Louis XIV ; dont la scène française s’honore encore de reproduire chaque jour les chefs-d’œuvre, et que sans doute on ne peut mieux louer que dans ces vers trouvés sur son tombeau :

Disciple ingénieux de Plaute et de Térence,
La gloire de son siècle et l’honneur de la France,
En philosophe aimable il corrigea les mœurs,
Éclaira les esprits, et réjouit les cœurs.
A peindre la nature il est inimitable,
Et reste pour modèle en son art admirable[1].
E. S.
  1. Molière ne fut pas seulement auteur, mais encore le premier comédien de son siècle. Ce motif arma contre lui toute la sévérité des lois religieuses, qui ne permit pas de lui rendre à sa mort les honneurs funèbres. On n’accorda qu’avec peine un peu de terre pour recouvrir sa dépouille mortelle ; et la France dut s’écrier sans doute avec la veuve en pleurs : Quoi ! l’on refuse un tombeau à celui à qui la Grèce eût dressé des autels…! Ce fut à cette occasion que le père Bouhours, jésuite célèbre et ami de Molière, composa les vers suivants :

    Tu réformas et la ville et la cour ;
    Mais quelle en fut la récompense !
    Les Français rougiront un jour
    De leur peu de reconnaissance.
    Il leur fallait un comédien
    Qui mit à les polir sa gloire et son étude ;
    Mais, Molière, à la gloire il ne manquerait rien,
    Si, parmi leurs défauts que tu peignis si bien,
    Tu les avais repris de leur ingratitude.

    Mais il était réservé à notre siècle de réparer cet outrage : l’administration de la ville de Paris ordonna la recherche des cendres de ce grand homme, trop long-temps ignorées ; et on lui éleva, dans le jardin élysée du musée des monuments français, ce