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n’arrivera dans les États où l’on évitera vos errements. Au surplus, vous n’êtes pas au bout : il faut bien, en définitive, que les dépenses soient en équilibre avec les recettes ; comment vous y prendrez-vous ?

Machiavel.

Tout consiste ici, on peut le dire, dans l’art de grouper les chiffres et dans certaines distinctions de dépenses, à l’aide desquelles on obtient la latitude nécessaire. Ainsi, par exemple, la distinction entre le budget ordinaire et le budget extraordinaire peut être d’un grand secours. À la faveur de ce mot extraordinaire on fait passer assez aisément certaines dépenses contestables et certaines recettes plus ou moins problématiques. J’ai, par exemple, ici 20 millions en dépenses ; il faut y faire face par 20 millions en recettes : je porte en recette une indemnité de guerre de 20 millions, non encore perçue, mais qui le sera plus tard, ou bien encore je porte en recette une augmentation de 20 millions dans le produit des impôts, qui sera réalisée l’année prochaine. Voilà pour les recettes ; je ne multiplie pas les exemples. Pour les dépenses, on peut recourir au procédé contraire : au lieu d’ajouter, on déduit. Ainsi, on détachera, par exemple, du budget des dépenses les frais de perception de l’impôt.

Montesquieu.

Et sous quel prétexte, je vous prie ?