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gez la violence en principe, l’astuce en maxime de gouvernement ; si vous ne tenez compte dans vos calculs d’aucune des lois de l’humanité, le code de la tyrannie n’est plus que le code de la brute, car les animaux aussi sont adroits et forts, et il n’y a, en effet, parmi eux d’autre droit que celui de la force brutale. Mais je ne crois pas que votre fatalisme lui-même aille jusque-là, car vous reconnaissez l’existence du bien et du mal.

Votre principe, c’est que le bien peut sortir du mal, et qu’il est permis de faire le mal quand il en peut résulter un bien. Ainsi, vous ne dites pas : Il est bien en soi de trahir sa parole ; il est bien d’user de la corruption, de la violence et du meurtre. Mais vous dites : On peut trahir quand cela est utile, tuer quand cela est nécessaire, prendre le bien d’autrui quand cela est avantageux. Je me hâte d’ajouter que, dans votre système, ces maximes ne s’appliquent qu’aux princes, et quand il s’agit de leurs intérêts ou de ceux de l’État. En conséquence, le prince a le droit de violer ses serments ; il peut verser le sang à flots pour s’emparer du pouvoir ou pour s’y maintenir ; il peut dépouiller ceux qu’il a proscrits, renverser toutes les lois, en donner de nouvelles et les violer encore ; dilapider les finances, corrompre, comprimer, punir et frapper sans cesse.

Machiavel.

Mais n’est-ce pas vous-même qui avez dit que,