Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/123

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abusive des turcs.— Pierre n’avait pas eu cette vision nette des circonstances qui avait distingué l’activité heureuse de son père. La Pocutie, dont la possession ne formait pas une nécessité vitale pour la terre moldave, avait amené le fils à abandonner la Transylvanie, qui en était une dépendance naturelle, et maintenant il venait de perdre son héritage même par suite d’une nouvelle tentative, tout aussi vaine, du côté du Nord.

Echappé aux instincts vengeurs de Zàpolya et à la punition du Sultan, dont il était allé résolument solliciter la grâce à Constantinople, prêt, comme les « si-gnori » d’Italie, ses contemporains, à tout risquer pour réaliser ses intentions et, avant tout, pour gagner le pouvoir et en jouir, Rares redevint dès 1540 prince de Moldavie. Mais, s’il était resté, malgré ces épreuves, le même, le pays avait bien changé, et sa propre situation, et d’autant plus celle de ’ses successeurs, devait être bien différente. Il ne fallait plus même penser à ces legs d’Alexandre-le-Bon qui avait été si fatal à la Principauté. De plus, une large bande du territoire moldave, avec l’ancienne ville de Tighinea devenue le Bender (« Porte ») des Turcs, venait d’être réunie au territoire de la raïa danubienne. En Transylvanie, Rares n’avait plus même ses fiefs, confisqués par Zàpolya, qui les avait transmis à sa femme, la reine Isabelle. Après que Mailat eût fini de régner, il fallut néanmoins de longues réclamations et de nouvelles interventions militaires pour obtenir la rétrocession, non plus des forteresses mêmes qui avaient été démolies de fond en comble, mais du territoire que recouvraient les ruines, jusqu’à Rodna, où les fils de Pierre recueillaient encore le produit des mines d’argent.

De ces fils, l’un, Elie, ancien otage de la Porte, finit par passer à l’islamisme pour devenir, lui, qui avait