Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/192

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connaissait que les incitations à la danse et les complaintes mélancoliques des « doïne ». Peu à peu, la grande figure d’Etienne absorba toutes les autres. Si telle ballade mentionne quelque héros du cycle de Michel-le-Brave, comme Radu Calomfirescu, la personne même du prince et celle de ses principaux collaborateurs guerriers ne survécurent pas dans les chants populaires. Il n’y eut, du côté des Buzesti, ces premiers parmi les chevaliers de l’époque, qu’une brève chronique roumaine, se bornant à rappeler les faits, avec quelques mots seuls d’appréciation. Le prince lui-même chargea un boïar à l’ancienne mode, le logothète Théodose, d’écrire un récit officiel en slavon, qui nous a été transmis dans la version latine d’un voyageur, venu par hasard dans la principauté, le Silésien Walter.

Avant ce moment, il n’y avait eu en Valachie que des mentions laconiques notées en marge des listes des princes fondateurs et protecteurs qu’on lisait dans les églises au cours de la liturgie. Pour avoir une légende poétique des hauts faits accomplis par le conquérant imitateur d’Alexandre-le-Grand, il faut recourir au poème en grec vulgaire que rédigea un des officiers étrangers de Michel, le Vestiaire Stavrinos, à Bistrita de Transylvanie, pendant sa captivité, « sous les rayons des étoiles » ; pour trouver une œuvre poétique de forme classique, on doit s’adresser à l’imitation des modèles italiens, que le Cretois Georges Palamède livra à la Cour du prince russe d’Ostrog, intéressé lui-même à la croisade. Plus tard, un moine d’Epire, qui portait le titre d’évêque de Myrrhe, en Asie-Mineure, Mathieu, ayant été recueilli et installé comme hégoumène de la nécropole princière de Dealu, se donna la peine de continuer dans des vers sans saveur le récit de Stavrinos, qui, tout de même, était animé des sentiments d’un soldat.