Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/219

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délicates de la diplomatie, dont ils étaient arrivés, par une longue pratique ou par l’exemple seul de leurs pères, à connaître tous les rouages, auraient été capables de noter tout ce qui concernait les intérêts turcs dans les changements qui se passaient au-delà des frontières.

À l’ancienne autonomie des princes indigènes avait donc succédé un véritable interrègne, où la conduite des affaires fut confiée à des lieutenants nommés par la Porte dans les mêmes conditions que n’importe quels autres fonctionnaires de l’Empire : on les destituait, on les emprisonnait, on envoyait prendre leur tête, comme ce fut le cas pour Grégoire Alexandre Ghica, assassiné à Jassy en 1777, et pour Handscherli, massacré à Bucarest une vingtaine d’années plus tard, on les décapitait en place publique (ce fut le sort du jeune Grégoire Callimachi en 1768) ; ou bien on leur faisait grâce et alors on les rétablissait, on les faisait passer d’une principauté à l’autre (Constantin Maurocordato régna à onze reprises dans les deux Capitales roumaines), sans plus de façons que pour de simples pachas, auxquels ils étaient même inférieurs ; si en effet ces derniers avaient trois tougs, ou trois queues de cheval, les lieutenants n’en avaient que deux. Ils observaient strictement les cérémonies au caractère impérial ; jamais on ne vit un prince aller à pied, visiter un boïar, paraître dans la rue sans un cortège qui voulait rivaliser avec celui des Sultans ; cependant leur situation tomba à un tel degré d’avilissement que les plus intelligents et les plus actifs des Grecs dédaignèrent de prendre possession de ces trônes roumains dont ils disposaient cependant à leur gré. Se contentant du simple titre d’agents de leurs créatures, de Kapou-kéchaïas, ils faisaient, comme ce Stavarakis que le Vizir fit pendre au beau milieu de ses intrigues, à Bucarest et à Jassy, la pluie et le beau temps, s’enrichissaient