Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/59

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A la même époque, un évêque de rite latin fixa sa résidence dans l’ancien bourg slave de Belgrade, près de la rivière du Muras (Maros), ce qui était d’autant plus nécessaire que le souverain hongrois n’apparaissait pas dans sa qualité nationale proprement dite, mais bien comme « roi apostolique », chargé de propager la foi catholique, de « latiniser » le pays, au besoin par la force. Un monastère important, celui des Cisterciens de Ketz (Cârta), fut fondé, un peu plus tard, dans la vallée de l’Oit. Enfin, le roi, pour le représenter, choisit un Voévode de tradition roumaine.

Au-delà du rayon des forteresses et du groupe des villages où vivaient les serfs de race roumaine ou des colons destinés à fournir leur dîme et leurs services à l’évêque, s’étendait, sous la suzeraineté des Petsché-nègues, puis des Cumans, la Tara-Româneasca, le « pays roumain », avec ses forêts, ses clairières, ses vallées parcourues par les troupeaux, ses hauts plateaux où l’on pratiquait depuis des siècles l’agriculture. Il y avait donc vers l’an 1100 une grande « Roumanie » rurale, sans forme politique unitaire, mais ayant sa « loi » religieuse, ses coutumes, son ancienne culture, que la conservation des termes latins même, pour les éléments supérieurs de la vie sociale, montre assez avancée, avec ses chefs isolés et avec son instinct d’unité parfaite. Cette « Roumanie » devait être refoulée de cime en cime, de vallée en vallée, par la conquête hongroise et catholique, qui d’ailleurs ne songea même pas à employer des colons de race magyare. Rejetée sur les territoires médiocres des vallées de l’Olt et de la Bârsa, elle eut bientôt pour frontière les Car-pathes ; de « transylvaine » qu’elle était, elle devint « transalpine ». Ce pays situé « au delà des cimes » en attendant d’être, pour des raisons qui seront exposées plus loin, partagé en deux par la formation, au XIV" siècle, d’une Moldavie, opposée à la « Roumanie »,