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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rable affaire où Schwarzkoppen s’était engagé, au mépris de la parole donnée par son chef.

Ainsi, les rapports de l’Allemand et du traître furent très agités, tant par les exigences croissantes de l’espion que par les alternatives de confiance et de défiance où passa son employeur. Esterhazy, qui allait souvent chez Schwarzkoppen, l’amusait par ses discours ; à Berlin, Schlieffen le jugea sur les rapports et les notes qu’il recevait de lui. La fausse science d’Esterhazy, superficielle et de fraîche date, ses perpétuels trompe-l’œil, pour brillants qu’ils fussent, n’étaient pas pour faire illusion à l’esprit solide, précis, positif, du grand chef allemand. Il s’impatienta de ce bavardage parisien, et l’espion fut remercié[1]. (Juin 1894.)

XV

Esterhazy n’accepta pas sa disgrâce sans esprit de retour ; en attendant, il lui fallait retrouver ailleurs les deux mille marks mensuels de Schwarzkoppen.

Il les demanda aux juifs.

On ne connaissait que son rôle apparent dans l’affaire Crémieu-Foa. Il bâtit sur cette légende une autre légende. Désormais, deux ans durant, chaque fois que l’argent de la trahison lui fera défaut, l’impudent

  1. Renseignements inédits. — Picquart, à l’instruction Tavernier, rapporte la conversation de Cuers avec le colonel de Foucault : « Schlieffen n’en a plus voulu. » — Note de Lauth, août 1896, au retour de Bâle : « Quelques renseignements, jugés peu vraisemblables, avaient (selon Cuers) rendu le grand État-Major hésitant au sujet de la confiance à accorder à l’officier supérieur… Le colonel de Schwarzkoppen reçut l’ordre formel d’avoir à rompre ses relations. »