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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


presse, gagnée ou moutonnière, continua à le célébrer comme l’auteur de la populaire alliance et l’ami du Tsar.

En Prusse, la séparation entre le ministère de la Guerre et le grand État-Major est telle qu’ils ne sont pas logés au même immeuble[1]. La grande affaire de l’État-Major, c’est la mobilisation. Pour Boisdeffre, ce fut de placer sa clientèle. Cavaignac avait fait de lui le surintendant de tous les services, un ministre plus puissant cent fois que le ministre lui-même. Entre un tel subordonné et le conseil supérieur, le pauvre ministre responsable devenait une machine à signer.

Saussier, exactement renseigné, ne prisant que le solide et resté homme du peuple, n’avait ce petit-fils d’émigrés[2] en nulle estime ; mais, indolent, sceptique, sans autre souci que de ne pas se créer d’embarras au terme de sa carrière, il se satisfaisait par des épigrammes et des bouderies.

Gonse resta le second de Boisdeffre[3]. Ils vivaient dans une parfaite intelligence, Boisdeffre s’en remettant à Gonse des corvées et du gros de la besogne, Gonse suppléant par son assiduité à la paresse de son chef ; d’ailleurs obséquieux, point décoratif, ne compensant point par la connaissance des affaires son manque de prestige, et l’esprit aussi timoré que le cœur était faux ; toutefois, il était moins sot qu’il ne le paraissait, et il cachait beaucoup de ruse sous un air de bonhomie. Il avait des alliances juives, ce qu’il

  1. Le ministère de la Guerre à la Leipziger-Strasse, et le grand État-Major au Kœnigs-Platz, à 2 kilomètres l’un de l’autre.
  2. On trouve trois Le Mouton de Boisdeffre à l’armée de Condé : au Royal-Louis, aux dragons d’Enghien, au Dauphin-cavalerie.
  3. Boisdeffre, dès qu’il succéda à Miribel, appela Gonse, qui était déjà son ad latus, aux fonctions de sous-chef.