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LE PETIT BLEU


en fait, qui menait le bureau. Et il espérait toujours en devenir le chef, malgré son ignorance des langues étrangères et son peu d’instruction. Mais Boisdeffre et le nouveau ministre, Zurlinden, continuaient à presser Picquart de prendre la place de Sandherr.

Picquart ne pouvait s’y résoudre. Ces besognes de policier lui semblaient indignes d’un officier. Il suggéra le choix de Du Paty, beaucoup plus informé que lui. Boisdeffre refusa. Il demanda à faire partie de l’expédition de Madagascar ; Boisdeffre refusa encore[1]. Un peu plus tard, un incident, qui montra le désarroi du service, lui donna à réfléchir. Un commissaire spécial ayant télégraphié que la garnison de Metz préparait, pour le lendemain, des exercices de mobilisation, Gonse s’affola, fit réveiller le Président de la République et se précipita, suivi de Lauth, chez Cordier, pour qu’il envoyât des dépêches à ses agents. Cordier eut beaucoup de mal à calmer ces agités.

Picquart se persuada enfin que son devoir lui commandait d’accepter[2], et il fut nommé, le 1er juillet 1895, en même temps qu’il était inscrit au tableau pour le grade de lieutenant-colonel.

V

Cordier passa le service à Picquart[3] ; Sandherr se leva pour venir une dernière fois au bureau lui remet-

  1. Je tiens le récit de Picquart. Selon Boisdeffre, il aurait accepté, au contraire, « avec beaucoup de satisfaction et beaucoup de reconnaissance pour la confiance qui lui était témoignée par ses chefs ». (Rennes, I, 522.)
  2. Rennes, I, 334, Picquart.
  3. Cass., I, 302 ; Rennes, II, 516, 524, Cordier ; I, 369, Picquart.