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LE PETIT BLEU


et signalait, pour se faire valoir, l’existence de deux lettres de Dreyfus chez un officier supérieur de son pays[1]. Son correspondant (un agent du ministère des Affaires étrangères) ne communiquait la dénonciation « qu’après bien des hésitations et sous les plus expresses réserves » ; il tenait la dame pour « très romanesque », et ses dires comme indignes de créance[2]. Un secrétaire d’ambassade, Delaroche-Vernet, porta à Picquart la lettre de l’espionne et la note de l’agent[3]. Picquart se montra sceptique, mais, nommé de la veille, consulta Cordier et Sandherr[4]. Celui-ci, déjà sollicité par l’Italienne, avait fait prendre, par le capitaine Matton, des renseignements qui se trouvaient fâcheux[5]. Sandherr recommanda à Picquart de se méfier de cette sorte d’aventurières ; le service venait d’être mystifié cruel-

  1. « La vérité est que le major… va deux fois par an à Toulon, Breste et Havre et qu’il est ami depuis quatre ans du ex-capitaine Dreyfus, voilà la pure vérité ; il y a chez le C. C. C. (l’officier italien) deux lettres de Dreyfus écrites à l’adresse du major avec la date du 22 décembre 1892 et une lettre avec la date de mai 1893. Les deux lettres en question, le C. C. C., (colonel C.) as chez lui dans son bureau. » (Lettre versée au dossier de la Cour de cassation par Paléologue, I, 397.)
  2. Cass., I, 398 : « Ma correspondante me paraît emballée dans une voie où le zèle et l’imagination font les frais. » (Note du 1er juillet 1895.) — Cass., II, 336 : « Mme X…, comme je l’ai toujours dit, est une femme que l’imagination, sur tous les terrains, a toujours emportée. Après s’être occupée de politique à Paris, alors qu’elle était jeune et tenait un salon cosmopolite, elle partit pour l’Italie avec un ami. Devenue besoigneuse, elle m’a adressé des informations qui touchaient très souvent au fantastique ; c’est ainsi qu’elle a cru pouvoir amorcer une campagne intéressée sur le nom de Dreyfus. » (Note du 3 mai 1899, communiquée, de la part du même agent, par le ministère des Affaires étrangères.)
  3. Rennes, I, 53, Delaroche-Vernet. (Juillet 1895.)
  4. Ibid., 369, Picquart.
  5. Ibid., 299, 480, Roget ; II, 536, Lauth.