Schwarzkoppen a assisté à ces manœuvres ; il relate ce qu’il y a vu, entendu, le discours du général russe, les propos de Boisdeffre. Le mot déchiré, qui suit le nom de Boisdeffre, c’est bien certainement le verbe sagt, « il dit »[1] ; l’attaché allemand ne parle pas de lui-même à la troisième personne[2]. D’ailleurs, le mot « pièce » (Schriftstück, écrit), très imprécis, ne désigne pas forcement le bordereau que Schwarzkoppen, en fait, n’a jamais vu. L’eût-il reçu, il ignorait que Dreyfus avait été condamné sur cette seule pièce, encore inconnue du public, ensevelie dans la nuit du huis clos[3].
Picquart jugea qu’il n’y avait aucune conclusion à tirer de ces fragments ; il les soumit pourtant aux
- ↑ Cass., III, 570, Mornard.
- ↑ Roget (Cass., I, 62) met ces propos dans la bouche de Schwarzkoppen. Un conseiller lui pose cette question : « Comment expliquer que l’auteur de cette note parle de lui-même à la troisième personne ? — Je ne suis pas du tout certain qu’il parle ici de lui-même ; il n’est pas sûr, en effet, que le bordereau ait été remis à Paris ; il peut très bien se faire qu’il ait été remis dans un autre centre d’espionnage, Bruxelles, par exemple. » Sur quoi Roget accroche l’histoire d’un prétendu voyage de Dreyfus à Bruxelles à l’époque du bordereau. — Gonse (Rennes, I, 546) dit « qu’il y a là une indication très nette que le bordereau est arrivé à l’agent (Schwarzkoppen) », qui ne l’a jamais reçu.
- ↑ C’est ce que Roget reconnaît lui-même : « Il peut d’ailleurs n’avoir été question qu’assez tard du bordereau, attendu que le procès de Dreyfus a eu lieu à huis clos. » (Cass., I, 63.) — Cavaignac, à Rennes (I, 190, 200), traduit audacieusement : « C’est que le bordereau, en allemand le Schriftstück… » Ouvrez le dictionnaire allemand-français de Birmann (professeur à l’École Polytechnique, à l’École de guerre, à l’École Turgot, etc.), vous y trouvez : « Schriftstück, écrit, document, pièce, acte. » Et au dictionnaire français-allemand : « Bordereau, bordereau, auszug, memorandum, verzeichniss, nota, sortenzettel, register. »
fait depuis longtemps l’apôtre. » (Agence Havas, dépêche de Mirecourt, dans les journaux du 19.) C’est le résumé officieux, atténué, d’une phrase trop peu diplomatique.