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LE PETIT BLEU


sortes de documents, prétendait s’occuper de l’invention d’un fusil, mais personne ne le croyait.

Curé dit encore qu’Esterhazy avait emprunté au colonel les leçons de l’École normale de tir de Châlons et au capitaine Daguenet d’autres documents venant de la même école, des planches[1].

Dans les affaires d’espionnage, on cherche toujours à se procurer de l’écriture de l’individu soupçonné afin de la comparer avec celles des papiers conservés au bureau. Picquart demanda à Curé un spécimen de l’écriture d’Esterhazy ; mais Curé refusa ; il lui répugnait de tendre ce piège, même à Esterhazy : « Demande au colonel[2]. »

Curé avait compris ; un peu plus tard, il dit à Picquart, qui lui reparla, plus d’une fois[3], d’Esterhazy : « Sois prudent, tu as affaire à plus fort que toi[4] ! »

En même temps qu’il questionnait Curé, Picquart, avec la même confiance, s’adressa à Henry.

Henry, déjà informé par Lauth[5], alla peut-être au devant de l’entretien. Il n’eut garde de dire à Picquart qu’il n’avait point aperçu dans les cornets les fragments accusateurs ; il l’écouta avec l’attention déférente qui

    Esterhazy, en février ou mars, « deux planches où se trouvaient représentées les diverses pièces d’un fusil ». Cass., I, 794.)

  1. D’après Picquart, Curé avait déjà engagé Daguenet à se méfier. (Instr. Tavernier.) — D’après Curé, c’est sur le conseil de Picquart qu’il engagea Daguenet à se faire rendre les documents prêtés à Esterhazy. (Rennes, II, 240.)
  2. Cass., I, 408, Curé.
  3. Ibid., 148, Picquart ; I, 408, Curé.
  4. Ibid., 408, Curé : « Je voulais simplement attirer l’attention de Picquart sur la prudence que commandait une affaire aussi délicate. »
  5. Ibid., 157, Picquart : « Lorsqu’Henry revint, je lui parlai du petit bleu, soit que j’aie pris l’initiative de cette conversation, soit qu’il l’ait prise lui-même, averti par Lauth. » — Lauth convient qu’il informa Henry. (Rennes, I, 621.)