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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


avec leurs consciences… Tant que Lebars sera là, le déporté Dreyfus ne sera pas enlevé vivant[1]. » — Le Figaro riposta en publiant le texte de la dépêche niée par Chautemps[2].

Ainsi la peur, de nouveau, acculait à des équivoques mensongères les personnages consulaires de la République.

Cet appel à la pitié alarma tous ceux qui avaient un intérêt politique ou personnel à ce que le Juif restât le traître. Drumont, Rochefort, d’autres encore, cherchèrent à substituer à l’image évoquée d’un Dreyfus stoïque et douloureux une figure ignoble : « Il vit en brute. Il pourrait lire ; il aime mieux manger… On le voit errer, portant toute sa barbe, d’une saleté repoussante, objet de dégoût pour ceux qui l’approchent… Il s’empiffre, mange, boit[3]. » Ce sont ensuite de nouvelles révélations sur le Syndicat, accusé d’ailleurs de méfaits contradictoires, tantôt d’avoir propagé les faux bruits de l’évasion pour tâter l’opinion[4], tantôt de préparer

  1. Lettre du 9 septembre 1896. (Figaro, Libre Parole, etc.)
  2. « Paris, 25 octobre 1895, 6 heures du soir : Câblez immédiatement s’il est possible de permettre à la femme du déporté Dreyfus de rejoindre son mari aux îles du Salut. » Calmette ajoutait que Dreyfus, dans le télégramme officiel, s’appelait ZSO et que le gouverneur de la Guyane avait répondu, d’abord par une dépêche, puis par une lettre venue par le courrier anglais du 3 novembre 1895 et arrivée à Paris le 24. (Figaro du 10 septembre 1896.) Chautemps allégua aussitôt que « ce texte n’était pas entièrement exact », que le télégramme était du 12 octobre et non du 25, et qu’il avait voulu seulement « mettre le Conseil des ministres à même d’apprécier tous les côtés de la question ». Cette rectification parut dans le Figaro du 11 septembre sous ce titre : « L’aveu de M. Chautemps. » Calmette fit observer que Chautemps avait, précédemment, déclaré à un rédacteur de la Patrie que « le Conseil des ministres n’avait jamais envisagé un instant la possibilité d’une telle autorisation ».
  3. Gil Blas, Libre Parole du 11 septembre 1896, etc.
  4. Éclair du 10, Intransigeant du 20.