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LA DOUBLE BOUCLE

Le fait est qu’il a peur.

Billot n’a rien objecté à Picquart ; en guise de conclusion, il lui a dit seulement de ne rien ébruiter avant les fêtes russes, sans qu’il ait expliqué d’ailleurs et sans que Picquart lui ait demandé pourquoi l’innocent doit rester, un mois encore, sur son rocher, et le traître à côté du drapeau trahi, parce que l’Empereur de toutes les Russies vient rendre visite au Président de la République, au peuple français, à l’armée française.

Picquart, le lendemain[1], se rendit chez Boisdeffre, lui raconta son entretien avec Billot : « Quoi ! vous lui avez montré le dossier secret ? — Vous m’avez dit de lui montrer tout. » Boisdeffre s’emporta[2], à l’étonnement de Picquart, et aussitôt il alla droit chez Billot.

Ce que se dirent, ce jour-là, ces deux hommes est resté un mystère. Mais Boisdeffre signifia ensuite à Picquart qu’il avait « expliqué » l’affaire au ministre[3].

IX

Picquart suivit docilement la consigne de Boisdeffre, qui l’avait invité à prendre désormais les instructions de Gonse. Le 5 septembre, il rendit compte à Gonse, par lettre, qu’il avait de nouvelles pièces de comparaison. Il était allé la veille chez le colonel Abria pour lui demander de l’écriture d’Esterhazy ; le colonel lui dit

  1. « Le lendemain, je crois. » (Cass., I, 132, Picquart.)
  2. Cass., I, 132, Picquart : « Le général me reprocha vivement d’avoir parlé au ministre de cette partie de la question et il se rendit chez lui. »
  3. Ibid,