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LA DOUBLE BOUCLE


que quelques officiers songèrent à Dreyfus », connu pour ses habitudes de furetage et d’indiscrétion. Il n’était plus à l’État-Major, faisait son stage dans un régiment. On se souvint des renseignements qu’il avait pu avoir en mains « à la commission du réseau des chemins de fer de l’Est ». En les complétant, « au moyen de ceux qu’il a recueillis depuis », il a pu livrer tout le plan de mobilisation. Le chef du premier bureau compara l’écriture de Dreyfus à celle de la lettre de l’ambassade d’Allemagne ; il fut frappé de l’étonnante similitude et avertit Mercier que le traître ne pouvait être que Dreyfus : « Je le savais déjà », répondit le général[1]. — « Ainsi, par deux voies différentes, l’enquête aboutissait au même résultat : la culpabilité de Dreyfus était absolument certaine. » Cependant le ministre, « avant de faire arrêter le traître », voulut encore s’entourer de nouvelles preuves. « Sandherr, par son ordre, fit surveiller Dreyfus et, bientôt, par les agents du service des Renseignements, il s’assura que le capitaine entretenait, à Paris même, des relations avec une personne affiliée au service d’espionnage du grand État-Major allemand[2]. » — Mais telle est la conscience scrupuleuse de Mercier qu’il ordonne une suprême épreuve. Le commandant Du Paty de Clam convoque Dreyfus au ministère, « pour une communication qui l’intéresse[3] ». Dreyfus, sans soupçon, est exact au rendez-vous. Du Paty lui dit « qu’il est très heureux de le voir », mais qu’en ce moment il est très pressé et qu’il lui serait obligé d’écrire, sous sa dictée, une lettre qu’il doit envoyer au général de Boisdeffre. « Il se mit à dicter au capitaine une lettre dont les termes étaient exacte-

  1. Autre mensonge.
  2. Autre mensonge.
  3. Pour passer l’inspection générale. (Lettre de Gonse.)