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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


conseiller juridique. Leblois n’est pas à Paris ; il est en Allemagne[1]. Mais qui le saura ?

Le 29 octobre, Picquart fut surpris de rencontrer au ministère Lauth qui, depuis le 16, était en permission de trente jours. « Que faites-vous ici ? lui demanda-t-il. — Oh ! reprit Lauth, je suis venu seulement prendre l’air du bureau. » Picquart, en riant, le félicita de son zèle[2]. Quelques instants après, ayant à parler à Henry, il entra au bureau en frappant un simple coup à la porte. Il y trouva Henry et Lauth en grand conciliabule, qui se levèrent brusquement et parurent très embarrassés[3].

Picquart attribua leur embarras « à la question Esterhazy dont ils devaient s’entretenir ». Gribelin et Lauth rapportent qu’Henry leur faisait part (à Gribelin, selon Lauth, à Lauth, selon Gribelin) des visites de Leblois à Picquart : « Hier, disait Henry, ils tripotaient encore des papiers ensemble[4]. » Sur quoi, Gribelin

  1. L’alibi de Leblois ne fut formellement établi qu’à l’instruction Fabre par les témoignages concordants de Risler, maire du VIIe arrondissement, qui affirma que son adjoint fut absent du 5 août au 7 novembre 1896 (161), — des concierges de la maison qu’il habitait à Paris (165, 178), — du bourgmestre et des hôteliers d’Oppenau et de Gernsbach (grand-duché de Bade), où l’avocat passa ses vacances, à proximité de Strasbourg (162, 185), — d’un voiturier strasbourgeois et de différents voyageurs (185, 186). — Leblois produisit également ses notes d’hôtel des 13, 20, 27 août, 3, 9, 16, 28, 30 septembre, 7, 14, 21, 28 octobre, 4 et 6 novembre 1896 (183, 184, 185).
  2. Instr. Tavernier, 23 oct. 1898 ; Cass., I, 172, Picquart.
  3. Rennes, I, 449, Picquart.
  4. Instr. Fabre, 20, Gribelin. — « Hier », c’est le 28 ou le 29 octobre. « Lauth, dit Gribelin, est venu nous voir au bureau fin octobre, il vous le dira. » Dans une déposition ultérieure, Gribelin dépose que « c’est ce même jour qu’Henry a vu Leblois et Picquart dans cette position » (48). — Lauth (Instr. Fabre, 31 ; Rennes, I, 627) convient de sa visite, mais la place en novembre, « sans pouvoir préciser la date ». Il relate le propos