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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Voilà la belle armée de France ! » — Enfin, de Marseille, s’ouvrant de ses projets à sa maîtresse : « La patience de ce stupide peuple français, qui est bien la plus antipathique race que je connaisse, est sans limite ; mais la mienne est à bout : je ne resterai pas plus longtemps avec ces imbéciles et ces brutes, voués d’avance à la défaite. » Il a commencé par s’offrir aux Turcs : « Si on me propose un grade qui me convienne, j’irai là-bas ; » — À Constantinople ; il a exposé précédemment que les Turcs vont intervenir en Afrique pour en chasser les Français ; — « mais je ne partirai pas sans avoir fait à toutes ces canailles une plaisanterie de ma façon. » Et comme la réponse turque n’a pas été satisfaisante, il s’adressera ailleurs :

Je suis absolument convaincu, écrit-il[1], que ce peuple ne vaut pas la cartouche pour le tuer ; et toutes ces petites lâchetés de femmes saoules, auxquelles se livrent les hommes, me confirment à fond dans mon opinion.

Il n’y a pour moi qu’une qualité humaine, et elle manque complètement aux gens de ce pays ; et si, ce soir, on venait me dire que je serai tué demain comme capitaine de uhlans en sabrant des Français, je serais certainement parfaitement heureux.

Je regrette de tout mon cœur de n’avoir pas été à Aïn-Draham, bien que ce soit un fichu pays, et d’avoir remis les pattes dans cette France maudite ; j’ai fait toutes tentatives pour retourner en Algérie et je t’envoie deux lettres qui te démontreront, et qu’Aïn-Draham est un sale pays, et qu’il n’est pas facile d’aller en Algérie, puisque la confiance que tu as en moi est telle que je suis obligé de
  1. Esterhazy, quand cette lettre fut publiée par le Figaro, allégua qu’elle avait été « maquillée » ; Mme de Boulancy déposa une plainte en faux contre X… L’instruction se termina, le 22 mai 1898, par une ordonnance de non-lieu, d’où résultait l’authenticité.