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HENRY

Castelin termina en demandant des poursuites contre Bernard Lazare, tant pour avoir divulgué des documents secrets (le bordereau, les rapports de d’Ormescheville et des experts), que pour avoir injurié et outragé des officiers.

Comme Castelin descendait de la tribune en criant : « Vive la France ! Vive la République ! » un député, mon voisin, dit à Lebon : « Il a raison ; il faudrait poursuivre. » Lebon répliqua vivement : « Ah ! non, nous ne ferons pas leur jeu ! »

La Chambre n’avait pas entendu sans malaise tant de bas commérages et de dénonciations. Les ministres eussent voulu qu’elle votât, non l’ordre du jour que proposait Castelin et qui enjoignait au gouvernement de rechercher les responsabilités encourues par les amis du traître, mais l’ordre du jour pur et simple. Méline, puis Billot le réclamèrent ; Billot déclara qu’il poursuivrait, le cas échéant, les indiscrétions, mais que, l’honneur des officiers n’ayant pas été « attaqué sérieusement », le dédain suffisait pour répondre aux insulteurs. Il se produisit alors quelque confusion. Certains députés craignaient que, s’ils votaient seulement l’ordre du jour pur et simple, leur patriotisme parût inférieur à celui de Castelin, si jaloux de tout ce qui touche à la défense nationale, et de deux autres députés antisémites (Gauthier de Clagny, le vicomte d’Hugues) qui étaient venus à la rescousse. Les socialistes, Vaillant, Chauvière, proposèrent un ordre du jour dans ce sens[1]. Méline protesta « qu’on n’avait pas besoin d’inviter le ministère à faire

  1. « La Chambre, résolue à réprimer toute trahison et toute manœuvre qui mettrait en danger la sécurité du pays et la paix européenne, invite le gouvernement à prendre les mesures utiles à cet effet » Signé: Coûtant, Vaillant, Chauvière, Walter, Baudin et Sembat.