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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


fiant. La bête avait refusé de mourir ; on cherchait à tuer l’âme.

II

Henry avait un grave défaut : il n’avait jamais assez vaincu.

Dreyfus renfoncé dans son tombeau, Esterhazy sauvé, Picquart en disgrâce, Billot intimidé ou trompé, et lui-même, enfin, à la tête du service des Renseignements, sous la direction nominale de Gonse[1], de tels succès eussent contenté tout autre. Cependant, il resta soucieux, interrogeant l’avenir. Il connaissait trop bien le passé.

Prévoyant de futures batailles, il s’y prépare. Et, pour que ces combats soient de nouvelles victoires, il fabrique de nouveaux faux.

Dreyfus avait son compte, pour la seconde fois ; il s’agissait maintenant de déshonorer Picquart, dans les dossiers.

Picquart, en quittant Paris le 16 novembre, avait prescrit à Gribelin de lui faire parvenir son courrier[2]. Gribelin le remit à Henry, qui le décachetait par les procédés du cabinet noir[3] ; il prenait copie des lettres

  1. Cass., I, 551, Billot : « Au départ du colonel Picquart, je confiai au général Gonse lui-même l’exécution du service ; il dut, à partir de ce jour, venir lui-même, à midi, apporter au ministre le bulletin des renseignements, et, pendant tout le reste de mon ministère, je n’ai pas vu le colonel Henry plus de deux ou trois fois. » — Procès Zola, I, 217, Henry : « Le successeur du colonel Picquart est le général Gonse. »
  2. Procès Zola, I, 288 ; Cass., I, 192 ; Rennes, I, 456, Picquart.
  3. Procès Zola, I, 238, Picquart : « Après que j’eus quitté Paris (c’est le général de Pellieux qui me l’a appris), on décachetait mon courrier à mon ancien bureau. » De même, à la Cour de cassation : « Mon courrier était décacheté et lu avant de m’être réexpédié. Le général de Pellieux me l’a affirmé et